10 janvier 2014

Orientation haussière sur le marché du cul




Je me souviens de cette vieille blague de deux mecs qui se rencontrent dans un bar. Ils se mettent à discuter de choses et d’autres et à un moment, l’un d’eux pose une question purement théorique : pour mille euros, est-ce que vous vous feriez enculer ? Ça va pas la tête ? répond l’autre.
- Oui, mais pour dix mille euros, est-ce que vous feriez enculer ?
L’autre s’énerve : vous me prenez pour qui ? Je mange pas de ce pain-là !
- Ok, ok… mais pour cent mille euros ?
- Lâchez-moi avec ça, putain de merde, je suis pas une tante ! Je vous dis non, bordel !
- J’ai compris, excusez-moi, j’avais mal estimé la chose… j’ai compris que vous êtes un homme un vrai, et pas question de revenir là-dessus, ah, ha… Vous rebuvez quelque chose ?
- Je reprendrais bien un Cognac.
- Garçon, deux Cognacs ! Au fait, pour être vraiment sûr d’avoir bien compris, pour un million d’euros, vous vous feriez pas enculer ?
- Vous avez dit combien ?
Moralité : c’est pas les enculés qui manquent, c’est le financement.
Ce jeudi s’ouvraient des négociations de branche concernant les grandes surfaces de bricolage. Des négociations curieuses : il faut avoir tout fini en deux jours, vendredi soir. C’est une façon de négocier à la hussarde qui n’empêche évidemment pas les autorités de clamer très haut que le dialogue et l’ouverture sont les deux mamelles de la démocratie sociale. Passons.

La négociation débute alors que le gouvernement vient de publier un décret (discrétos, entre la bûche de Noël et les crevettes du jour de l’An) autorisant les grandes surfaces de bricolage à ouvrir le dimanche. Et qu’est-il immédiatement arrivé ? Elles ont ouvert le 5 janvier, en toute légalité cette fois, sans que les « contreparties » pour les employés ne soient encore négociées ! Ce genre de pratique ne peut être une surprise que pour ceux qui n’ont aucune idée de l’état d’esprit en œuvre dans la grande distrib. Quand on connaît la valeur absolue, magistrale, supérieure, divine, qui régit tout acte dans ce pandémonium – cette valeur est le PROFIT – on ne doit pas s’étonner que la charrue précède les bovidés.

Le gouvernement prétendument socialiste a donc choisi son camp : celui des dirigeants richissimes des grandes surfaces, des fossoyeurs du dimanche (un fossoyeur du dimanche n’est pas un type qui a le hobby de la fossoyance, c’est un type qui enterre le dimanche en tant que principe d’un jour commun non travaillé). Les négociations sont ici de pure forme, elles ne changeront rien, puisque l’ouverture est DEJA autorisée. Les syndicats ne pourront que grattouiller des miettes, un petit peu d’oseille par-ci, une récup par-là, des frais professionnels : de la merde.
La palme de la tartufferie revient sans conteste à FO, syndicat qui annonce courageusement qu’il est opposé au travail dominical, mais qu’il va négocier des « avantages supplémentaires » pour les salariés qui viendront travailler les dimanches (notons la belle expression du journaliste, qui annonce l’avenir : les compensations dominicales seront bientôt vues comme des « avantages » et, quand le dimanche sera devenu un jour ordinaire, on les dénoncera, avant de les supprimer).
Les choses étant ce qu’elles sont, négocier des aménagements, discuter de l’organisation, c’est de fait valider le principe.


Regardez la photo ci-dessus. Regardez-là bien. Appréciez toute la finesse des pancartes : Pas de promo sur mon pouvoir d’achat ! Comme si le secteur d’activité qui généralise depuis quarante ans l’emploi sous-payé, le temps partiel imposé, les horaires irréguliers, le management d’humiliation, l’étranglement des sous-traitants, les délocalisations, l’enlaidissement des paysages et le cancer publicitaire, n’en faisait pas, des promos, sur vos dérisoires pouvoirs d’achat ! Yes week-end ! Là, on touche le fond : le week-end étant la fin de semaine, vouloir travailler le week-end revient un peu à vouloir que la semaine ne finisse jamais… qu’on travaille non-stop, sans répit, qu’on se crève à la tâche ! Et d’ailleurs, nous entendrons des gens prétendre que si c’est ce que veulent les salariés (le fameux volontariat des esclaves), pourquoi les empêcher de travailler sept jours sur sept ? Au nom de quoi ? 35 heures ? Pourquoi pas 60 ? Pourquoi pas 70 ? Pourquoi pas 100, si les gens sont volontaires ? Qui aurait le culot de fixer une limite ? qu'il se montre, ce cochon ! Les gens sont libres, que diable !
Dans ces temps de confusion mentale et de perte des repères du bon sens, il n'est pas étonnant que les partisans du no week-end défilent avec des pancartes Yes week-end...

La grande distribution fait de tels profits (sur le dos de qui ? qui aura le mauvais goût de poser la question) qu'elle se frotte les mains à l'idée d'avoir une armée de réserve prête à travailler les dimanches, payée double. Mais double de quoi ? double de 9,43 euros de l'heure ! Formidable ! Victoire du pouvoir d'achat ! Les 25 milliards d'euros de la fortune Mulliez y suffiront-ils ?

Regardons bien cette photo. Ne nous rappelle-t-elle pas la lamentable blague qui introduisait mon propos ? Vous avez dit combien ?...


9 commentaires:

  1. Et les enfants ? Si ils préfèrent aller à la mine qu'à l'école, qui êtes vous pour vouloir leur interdire, monsieur Beboper ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. perso j'interdirais aux enfants d'aller à la mine , merde !
      y a des limites à ce qu'on peut imposer à des gosses , merde de merde !
      par contre pour l'enculade......

      Supprimer
  2. "Là, on touche le fond : le week-end étant la fin de semaine, vouloir travailler le week-end revient un peu à vouloir que la semaine ne finisse jamais… qu’on travaille non-stop, sans répit, qu’on se crève à la tâche !"

    Mais jamais ils ne bosseront 7j/7, ils resteront aux 35h, et franchement on ne peut pas vraiment dire que bosser 35 h soit "sans répit", ou qu'on se "crève à la tâche". 50 h est un rythme tout à fait tolérable. Ca fait 9h/19h 5j/7. 35h c'est carrément les vacances, entre parenthèses. Bien que tu aies une aversion pour les chiffres, il faut bien en parler, pour voir que même une semaine à 50h est tout à fait raisonnable.

    "armée de réserve prête à travailler les dimanches, payée double. Mais double de quoi ? double de 9,43 euros de l'heure ! Formidable ! Victoire du pouvoir d'achat !"

    Je te jure, Beboper, que quand tu occupes un emploi non qualifié, bosser le dimanche et être payé double, c'est un confort financier énorme. C'est extrêmement avantageux par rapport à un simple SMIC. J'ai déjà raconté, l'autre fois, que quand j'étais étudiant et que je bossais dans le prêt-à-porter, tout le monde voulait les dimanches, et personne ne voulait retourner à un simple SMIC. Je ne sais pas pourquoi tu méprises tant l'argument financier. Tout le monde n'est pas Crésus, surtout les employés de chez Casto. Peut-être que certains ont besoin de cet argent supplémentaire. Tu insistes pour que les gens restent pauvres, on dirait.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le CGB est fier de t'offrir deux billets pour la Chine, (terre de contraste mi-libertarienne mi-libéral), la patrie du travail... De la joie aussi... Ne dit-on pas fièrement là-bas "triso-coco travail toultan mao didon ".

      Nous on reste en France, qui était jadis un beau pays à mi-chemin entre l'Afrique, et les protestants besogneux qui font du pognon et de l'égoïsme l'alpha et l'omega de leur triste vie en Ikéa.

      Bref, nous n'aimons ni l'argent, ni bosser. Ne pleure pas, ça existe.

      Supprimer
    2. J'aurais pas dit ça comme ça
      Perso, j'aime bien le pognon, mais j'aime moins bosser....
      Ceci dit, je me fais chier lorsque je suis inoccupé, donc au final, ça me dérange pas de bosser
      Pourvu que ce soit très bien payé....
      Par contre, si les intelligences qui prétendent nous gouverner s'imaginent me payer en monnaie de singe, gratos quoi, je leur renvoie la réplique de FMK
      "Ça me dérange pas de travailler gratuitement, à condition d'être payé à ne rien foutre le reste du temps"
      Cette réplique, assénée à mon voisin, droit chrétien de gaucheu, a fait mouche, plus jamais il ne m'a proposé d'aller vacciner les banlieues contre la fièvre de l'extrémisme....

      Supprimer
  3. Ceci dit, c'Est pas demain la veille qu'on abolira les gardes et astreintes de nuit/dimanche et fériés
    J'en ai vécu une mémorable à Noël, qui a pas fait plaisir à ma femme, mais faut reconnaitre que les siennes me font pas rire non plus
    Enfin, ça pourrait être pire, comme on dit, mais je vois pas trop comment....

    RépondreSupprimer
  4. Et toi, Edmond, tu te ferais enculer pour combien ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois qu'il est pas dans nos moyens.....

      Supprimer
  5. "Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours
    Qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes.
    L’une fait tort à l’autre ; et Monsieur le curé
    De quelque nouveau Saint charge toujours son prône."

    RépondreSupprimer