17 mai 2011

35 heures pour une ruine


Dickens écrit Hard times (en français, Temps difficiles) en 1854. Dans ce passage, il ironise sur certain discours patronal présentant les contraintes de la loi comme menant immanquablement à leur ruine. On se croirait en 2011...
Ici, ceux qu’il nomme les « citoyens de Coketown », ce sont bien sûr les possédants, ceux qui détiennent les usines.

« Assurément, il n’y avait jamais eu de porcelaine aussi fragile que celle dont étaient faits les manufacturiers de Coketown. Les eussiez-vous maniés le plus légèrement qu’il est possible, ils seraient encore tombés en morceaux avec tant de facilité que vous auriez pu les soupçonner d’avoir été fêlés auparavant. Ils étaient ruinés lorsqu’on leur demandait d’envoyer les petits manœuvres à l’école, ils étaient ruinés quand on désignait des inspecteurs pour venir visiter leurs fabriques, ils étaient ruinés quand ces mêmes inspecteurs considéraient comme douteux qu’ils eussent tout à fait le droit de couper les gens en morceaux avec leurs machines, ils étaient ruinés quand on insinuait qu’ils n’avaient peut-être pas toujours besoin de faire tant de fumée. (…) Chaque fois qu’un citoyen de Coketown se croyait victime d’une injustice, c'est-à-dire chaque fois qu’on ne le laissait pas absolument libre de faire à sa guise, et qu’on voulait le tenir pour responsable des conséquences d’un quelconque de ses actes, on pouvait être sûr qu’il allait lancer sa terrible menace et affirmer qu’il « aimerait mieux flanquer ses biens dans l’Atlantique ». Cette menace avait terrifié le ministre de l’Intérieur, au point de le mettre à plusieurs reprises à deux doigts de la tombe.
Cependant les citoyens de Coketown étaient si bons patriotes, après tout, qu’ils n’avaient jamais encore flanqué leurs biens dans l’Atlantique, mais au contraire avaient eu la bonté d’en prendre grand soin. C’est pourquoi ces biens étaient là-bas dans la brume, qu’ils croissaient et se multipliaient. »

Livre indispensable.

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