14 mars 2011

La menace fantôme


Reconnaître sa droite de sa gauche est une étape fondamentale dans le développement de l’homme. Reconnaître sa droite de sa gauche permet à chacun de penser l’espace, de se le représenter, de s’y situer et d’y évoluer. La droite et la gauche sont des indicateurs stabilisateurs dans ce déséquilibre permanent qu’est la marche du bipède, et ils sont les bases de son sens de l’orientation et pourquoi pas de son sens de l’évolution.
A voir l’agitation médiatique qu’a soulevée ce sondage Harris, bombardant Marine Le Pen en pôle position des intentions de vote au premier tour des élections présidentielles de 2012, il semblerait que la France soit en totale perte de repères. Une raison insuffisante pour se tromper de débat.


Dans 100 mètres, tournez à l'extrême droite, c'est à dire à gauche, enfin à droite ?


C’est sous un bombardement d’informations et de publicité que le citoyen aura péri. Irradié au néon, assourdi par la cacophonie des slogans et le matraquage des décibels, le citoyen sent trop tard la panique l’étreindre, tandis qu’il prend conscience des tonnages de la pensée fracassée en décombres qui lui ont dégueulé sur la tronche. La claustrophobie est là, et le sentiment de déréliction aussi. Le citoyen est non seulement étouffé mais égaré dans le labyrinthe d’une pensée unique, percluse de panneaux de signalisation lui interdisant toute sortie et lui intimant de tourner en rond à durée indéterminée. Le citoyen infantilisé de loisirs culturels et sportifs, régresse, inexorablement, dans un monde qui a aboli la distance et les horizons, le voyage. L’initiation a dégénéré en expériences à classer puis à compulser. L’homme de l’après modernité n’est plus un homme de vécu, mais une somme d’instants de vie sous vide. On nous promettait l’infantilisation généralisée. Il n’en est rien. L’humanité continue sa progression. Il ne s’agissait pas de faire machine arrière vers le paradis perdu de l’enfance, mais au contraire, de faire cap au plus vite vers sa figure inversée, le vieux grabataire écrabouillé sous les gravats de ses souvenirs, en phase avancée d’alzheimerisation. Où est ma droite ? Où est ma gauche ? Comment se rappeler dans tout ce tapage ? Comment avancer sans plus aucune possibilité de faire le point ?


Manuel de survie intellectuelle à l'ère de la post modernité


Jérôme Sainte-Marie, directeur de l’institut de sondage Isama, a bien raison, lorsqu’il qualifie le FN de « zone érogène de la République française. » Les crises d’hystérie des fanatiques de tous bords, curés messianiques de gauche et pasteurs fondamentalistes de droite, qui se succèdent actuellement sur la scène médiatique en sont la preuve bavarde. Ça jouit à moindre frais, à 20 € la pipe dans une contre allée obscure d’un bois, Vincennes ou Boulogne, c’est selon votre condition sociale et vos préférences sexuelles. Cela dit, force est de constater que le débat se dépassionne légèrement en moyenne, depuis que les médias sont passés de la diabolisation systématique du FN à un traitement plus équilibré et plus éthique de ce parti peut-être en voie de normalisation, c’est-à-dire en voie de disparition. L’investissement sexuel du FN est en chute libre. Peut-être bien qu’on se lasse d'attendre ce viol annoncé de la France qui n’arrivera jamais, vieille fille allumeuse mais désespérément frigide qu’elle est.


Fais-moi sauter l'verrou d'ma ceinture de chasteté enculman


On s’interroge dans le lanterneau intellectuel français. Et les diatribes fusent à l’intérieur même de l’intelligentsia de gauche (voir la confrontation Joffrin/Cohen). Par quelle fieffée malédiction la fille Le Pen arrive-t-elle à de tels sommets ? Comment le fascisme peut-il grimper si haut dans le pays des droits de l’homme ? Le FN, parti des trahis en tous genres, serait devenu une espèce de ventre mou, de fourre-tout de tous les revenus des promesses électorales des partis aux affaires. En d’autres termes, l’électeur du FN est blanchi par un processus de victimisation. Une victoire sur le manichéisme ? Il est en tout cas entendu que là est la source de la montée en puissance du Front national. Et c’est d’autant plus vrai dans un contexte de globalisation, de mondialisation économique, où on ne cesse de nous rabâcher que la France devra s’adapter ou périr avec ses grandes idées d’un autre siècle. La concurrence se généralise ? Il n’est pas étonnant d’opter alors pour un parti qui annonce dès son nom de baptême qu’il fera front.
Le FN, parti nationaliste serait-il en passe de muter, muer, en un parti politique politiquement correct par la bande sociale ? Le FN pourrait-il constituer à terme un parti populiste soluble (dissoluble) dans le progressisme ? Les efforts de Chantal Brunel, députée UMP experte de la repoussée d’Archimède, refoule le FN à la gauche de l’UMP ; et Nicolas Sarkozy qui vient de mettre à la porte Yazid Sabeg, son désormais ancien commissaire à la diversité et à l’égalité des chances... L’UMP froncerait-il les sourcils ?


Chantal Brunel, une députée bien nommée ?


Revenir sur la question du sondage tel qu’il est pratiqué par toutes les Sainte-Marie immaculées est sûrement une question intéressante. L’angle zemmourien parlant d’imposition des candidats politiques par les instituts de sondage est peut-être pertinent. Le sondage Harris, depuis contredit par celui de France Soir, était en tout cas incomplet. Un bon point pour tout le barnum médiatique. Mais incomplet, il l’était, non car DSK n’avait pas été testé (deux jours après le premier, le second sondage Harris testant DSK, le nouveau poulain US, briefé certainement à mort du haut de son fauteuil de Président du FMI, venait confirmer la pôle de Marine Le Pen), mais parce qu’il n’était pas accompagné d’un sondage sur les intentions de vote des électeurs au second tour des élections présidentielles, dans un duel qui mettrait donc aux prises Marine Le Pen avec Sarkozy, DSK, Hollande, ou on ne sait quel autre pachyderme, sorti tout droit du cimetière des éléphants socialistes. Le Parti Socialiste, c’est notre Jason de Vendredi 13 à nous. On a beau le trucider dans tous les sens, il revient interminablement, manifestement immortel qu’il est. La question est : pourquoi en est-il ainsi ?


Jason découvre les Bisounours quai de Solférino


Sarkozy a réussi le tour de force de fédérer 71 % de mécontents contre sa petite personne. Il n’est pas étonnant que les journalistes nous servent désormais la soupe d’un 21 avril à l’envers. Le 21 avril, d’événement, de choc traumatique, est devenu un concept politique à part entière dans notre pays. Qu’est-ce qu’un 21 avril à l’envers ? C’est un second tour des élections présidentielles qui verrait s’affronter le candidat du FN, qui en l’occurrence est une candidate ! au cornac qui aura réussi à laisser à quai de Solférino ses adversaires. Ce 21 avril à l’envers est une vue de l’esprit. Il n’existe pas, il ne peut pas exister. Le 21 avril fut un infinitésimal événement en comparaison du second tour des élections présidentielles de 2002, qui accoucha d’un résultat indigne d’une démocratie en bonne santé mentale. De plus, il serait bon de s’interroger qualitativement une bonne fois pour toutes sur la question de l’alternance UMP/PS. Bien sûr, l’on pourra toujours trouver des différences politiques entre ces deux partis qui cristallisent pour l’essentiel ce qu’il nous reste d’opposition droite/gauche. Mais il faut bien finir par accepter la réalité et convenir qu’en termes d’opposition, leur confrontation n’a pas lieu sur des thèmes essentiels ; et si elle a bien lieu, elle n’est qu’un simulacre, le réel pour preuve. Là est la vérité du concept UMPS, de dénoncer cette opposition factice entre les deux partis du Progrès, qu’il fut un temps, l’homme de la rue nommait « Tous pourris ». Le FN aura récupéré tant de concepts issus du bon sens populaire ; une manière pour le système de décrédibiliser et de mettre au ban de la société une contradiction utile, devenue dorénavant subversive, car laissée à la chasse gardée d'un parti sulfureux.
Si Marine Le Pen passait effectivement au second tour contre un candidat de gauche, nous serions exactement dans la même configuration qu’en 2002 : le champion du parti populiste le plus puissant en France, confronté au champion du parti progressiste le plus puissant du moment.
Le progressisme, enfouraillé comme un porte avion, mène une guerre sans merci contre le populisme Dans n’importe quelle configuration, Marine Le Pen serait battue à plate couture par le parti du Bien, du Bon, du Beau, avec peut être cela dit une belle envolée à hauteur de 10 % par rapport à son papa. Car il est des filsetdesfillesdecrates qui réussissent définitivement à tuer le père…


Je suis ta fille Dark


Pourquoi toute cette agitation ? Mobiliser l’électorat progressiste en premier lieu. Marine Le Pen incarne le spectre des heures les plus sombres de notre histoire sur son vaisseau fantôme réactionnaire ; elle est le catalyseur idéal pour motiver les troupes du bien. Egalement, verrouiller une bonne fois pour toute la porte du pouvoir au populisme pour imposer un bipartisme de mastodontes 100 % libéral et ouvert aux flux. D'ailleurs, à la réflexion, le 21 avril n'a peut être jamais été un choc démocratique que dans la mesure où le 3ème homme est passé. ça en dirait suffisamment long sur l'état de délabrement avancé de la République française, isn't it ?
Le monde de demain se fait jour, heure après heure, dans ce segment du temps, dont la durée s’est subitement étirée et dilatée, bourrée qu’elle est tout à coup d’Histoire. La ville monde multiculturelle, ruche frénétique d’insectes occupés à combler le vide existentiel par un matérialisme incarné et décliné à l’infini dans la marchandise, se consolide. Les flux migratoires sont incontrôlables, happés qu’ils sont par l’appel d’air commandé par le marché et la logique intrinsèque de l’histoire en marche. La décolonisation serait de l’histoire ancienne ? Non, et le masque tombe irrémédiablement. Aujourd’hui, alors qu’un vent d’émancipation souffle sur les pays arabes et maghrébins, alors que nos commentateurs de salon s’empressent de qualifier ces mouvements de révolutions démocratiques, sans s’interroger sur la configuration qui les a fait naître (quid de l’Internet et de Facebook utilisés comme des chevaux de Troie), sachant pertinemment que de toute manière, tout mouvement populaire est à terme forcément mis sous le joug de telle ou telle classe sociale ou caste, les Tunisiens regagnent leur mère patrie. Effet positif ou négatif de la colonisation ? Juste un fait : la langue, la culture, sont des vecteurs de rattachement à la Patrie, des moyens puissants et élémentaires pour obtenir la cohésion d’un peuple. Les Tunisiens rentrent enfin au pays. La colonisation était en fait un triptyque événementiel, et c’est tous les esclavagistes du libéralisme, les Minc et autres Attali qui se frottent les mains d'oeuvre. Kadhafi est à ce titre très révélateur. Reçu il y a à peine deux ans en France (en vérité, c’est lui qui a reçu la France entière de dessous sa tante plantée aux Invalides), Sarkozy veut désormais lui bombarder la gueule, et les Libyens de menacer dans la foulée de faire des révélations sur le financement de la campagne de 2007 du Président de la République. L’affaire est entendue : ces dictateurs opéraient comme des freins au 3ème volet de la conquête du monde par l’Occident : la rétrocolonisation. Le Marché commande la libéralisation de tous les flux de marchandises, y compris humaines, à savoir entendues dans leur dimension de main d’œuvre ; les banquiers et autres businessmen nous font entrer de plain pied dans l’air du tout débridé. Allan Stivel, célèbre barde breton, rappelait dans les pages du Parisien la semaine dernière le génocide culturel imposé en douceur à la Bretagne par les instituteurs, curés du progressisme républicain, dont la mission était d’unifier culturellement tout un pays pour affermir la puissance de l’Etat Nation France ; les instituteurs et autres profs, aujourd’hui, promeuvent une idéologie tournée vers l’autre, la diversité, auprès d’élèves qui veulent revenir à la pratique culturelle de leurs aïeux, parler arabe, et faire carrière à Dubaï. Ce mouvement ne peut révéler que l’enterrement de l’Etat Nation et le combat perdu d’avance, d’arrière garde, du FN. Debout les citoyens du monde !


Espèce éteinte en 1491


Tous les remparts se sont déjà effondrés. La culture française est en passe de dégénérer en folklore ; les acquis sociaux seront scrupuleusement rationalisés, un à un et un par un. Il faudra s’adapter et à la fin tant pis, on s’en branle, car il faudra bien périr. Le retour en arrière est un sens interdit par le progressisme, idéologie impossible à questionner, technologie de contrôle hyperintrusive mais au ressenti light, qui avance en déferlante. Le progressisme noie toute réaction et fait de chaque lutte, un combat de basse intensité. Le fait est qu'à chaque attaque, cette idéologie resserre son étreinte. Là est la réalité, à moins d’endiguer le circuit de refroidissement, la fission du noyau n’aura pas lieu.

NB : photo montage de la Bulle Marine envoyé par GaGaël, une bulle qui ne fera pas strike.

10 commentaires:

  1. Donc si j'ai bien compris, tu assimiles le FN à un clitoris. C'est juste moi ou bien t'es en train de nous péter une durite ?

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  2. la citation est de Jérôme Sainte-Marie. Moi, j'ai filé la métaphore.

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  3. Court et concis14 mars 2011 à 23:50

    Le dessin avec les singes c'est pour annoncer le risque de mal de crâne ?

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  4. "Le dessin avec les singes c'est pour annoncer le risque de mal de crâne ?"
    sais pas, je relis que les images.

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  5. Haricot tarbais15 mars 2011 à 12:46

    «Moi, j'ai filé la métaphore.»

    Et c'est sans compter l'utilisation magistrale de la métonymie dans l'accompagnement des illustrations. L'impression qui se dégage de l'ensemble est sans commune mesure.

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  6. zaza "pull marine"15 mars 2011 à 12:51

    Pourquoi qu'elle tire la langue Marine dans sa bulle ?

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  7. Une analyse moins subtile et plus courte: quand la cuvette déborde, beaucoup de gens s 'intéressent à qui veut fermer l 'arrivée d 'eau.
    On a pas fini de parler de la " bulle".

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  8. Allez, un petit ajout après discussion avec Fouquet sur la question du 3ème homme :

    le 21 avril n'a peut être jamais été un choc démocratique que dans la mesure où le 3ème homme est passé. ça en dirait suffisamment long sur l'état de délabrement avancé de la République française

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  9. Très bon !
    Et si on disait que Le Pen est à la politique ce que le bouchon doseur est au liquide-vaisselle: un truc qui permet de doper les ventes, de faire croire qu'il y a "du nouveau", que "ça bouge", mais qui ne changera rien, de toute façon...
    La seule chose nouvelle depuis longtemps, c'est l'écologie politique. Hélas, il faut se farcir aussi les écologistes.

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