23 septembre 2010

The Magical Frêchescu Tour (première partie)

Roll up, roll up for the Frêchescu tour.
Roll up, roll up for the Frêchescu tour.
Roll up AND THAT'S AN INVITATION, roll up for the Frêchescu tour.
Roll up TO MAKE A RESERVATION, roll up for the Frêchescu tour.
The magical Frêchescu tour is waiting to take you away,
Waiting to take you away.




Roll up...

Vendredi 17 septembre, le Magical Frêchescu Tour plantait à nouveau son grand chapiteau dans sa ville d'origine, la bonne ville de Montpellier. Pour l'inauguration de la « Place des Grands Hommes » et ses statues tant décriées. Presque simultanément, à Paris, Georges Frêche était honoré par les journalistes parisiens, lui décernant le Prix spécial du jury du prix humour et politique. Car c'est ça Frêche, à l'échelon national, un bon client pour les médias, celui vers qui se tourner pour la petite phrase qui tue et le bon mot, un Santini un peu trash en quelque sorte. En Languedoc-Roussillon, Frêche, c'est autre chose. C'est le Pouvoir. Et ce depuis plus de 30 ans.

Député socialiste, maire de Montpellier pendant presque 30 ans, président de la communauté d'agglomération de Montpellier depuis plus de 30 ans, président réélu du conseil régional du Languedoc- Roussillon depuis 2004. Il est l'homme fort de la région. Qu'il a d'ailleurs rendue à la gauche après 20 ans de règne de Jacques Blanc. Frêche, c'est une ambition démesurée, seulement contrariée au niveau national par le désamour de François Mitterrand (il se vengera dès son accession à la présidence du conseil régional en faisant nommer le placard à balais « salle François Mitterrand »).

Contrarié, Frêchescu(comme on le nomme ici) mettra sa mégalo au service de la ville de Montpellier. Frêche c'est Montpellier et Montpellier c'est Frêche. C'est aussi la ville Nicollin, du nom de l'entrepreneur ami qui se voit allouer la plupart des marchés publics dans le domaine du traitement et de la collecte des déchets, ainsi que le contrôle des différents clubs sportifs du département toutes disciplines confondues. Là où ces deux pachydermes passent, l'herbe ne repousse pas. Les opposants non plus d'ailleurs. Sous leurs airs débonnaires de personnages tout droits sortis d'une Pagnolade, nos dinosaures restent des animaux à sang froid.

Georges et Loulou entament l'historique traversée du Lez


Le Frêchisme est un savant mélange de clientélisme old school (rapatriés d'Algérie, Franc-macs, associations sportives, Harkis etc) et de béton. Du béton partout, tout le temps, une mer de béton se déversant en flots continus sur la ville au grand bonheur des entrepreneurs locaux et des propriétaires terriens trop heureux de voir leurs terrains agricoles devenir constructibles au fur et à mesure que la ville avance et que le prix du m² explose.

Dans la région, le Frêchisme a son pendant à droite, c'est l'alduysme du nom de la famille qui tient Perpignan, la deuxième ville de la région. L'alduysme c'est 50 ans de règne, d'abord le père Paul, puis le fils Jean-Paul (c'est bien fait hein...) qui ne quittera la mairie qu'en 2009, après la fameuse affaire des chaussettes... qui verra quand même sa réelection après son invalidation, pour se consacrer lui aussi à la communauté de l'agglo de Perpignan. Là aussi le clientélisme old school règne en maître. Mais la comparaison s'arrête là et si comparaison il doit y avoir, elle est nettement en faveur du Grand Conducator Languedocien. Montpellier vit, là ou Perpignan est sclérosée, momifiée, liée a une bourgeoisie locale qui tient la ville et empêche le moindre changement. Perpignan et les P.O ne survivent plus que par le tourisme et ont du se mettre à genoux pour avoir droit à la gare TGV sur le tracé de la future ligne Paris-Barcelone. Il a fallu aussi lutter dur pour conserver un aéroport, certes peu rentable mais crucial pour le développement économique. Car quand on a mis tous ses oeufs dans le seul panier du tourisme de mauvaise qualité, au mépris de tout autre développement économique, sans gare, sans aéroport, on ne va pas bien loin.

Jean-Paul Alduy, le grand con avec une chaussette pleine


Peu avare avec l'argent de ses administrés, Georges Frêche fera de sa cité une grand ville française, un pôle d'excellence par le biais d'une politique de grand travaux qui aujourd'hui encore défigure la ville de ses chantiers incessants.

Cette politique de grandeur a un prix pour Montpellier. Et aujourd'hui la ville et ses habitants semblent essoufflés, incapables de suivre la foulée du grand homme. Cela fait maintenant trois décennies que la ville est en travaux permanents. Ce fut d'abord le Polygone (gigantesque centre commercial sur plusieurs niveaux) et le quartier du Triangle. Ce fut ensuite le quartier Antigone, commis par Ricardo Bofill (également reconnu coupable des espaces d'Abraxas et des arènes Picasso à Noisy-le-Grand). D'architecture néo-classique, boursouflé et schyzophrène, inhumain, orwellien, celui-ci rappelle à la fois l'architecture de la Grèce Antique et les grands ensembles des sociétés totalitaires. Si un jour on devait tourner une version française de 1984, c'est certainement à Antigone qu'il faudrait le faire.

Montpellier, 1984


Ce sera ensuite les travaux pour l'installation du tramway à Montpellier (débutés il y a 15 ans et encore en chantier pour au moins 5 à 10 ans). Puis le quartier et la fac Richter. Comme d'autres grands hommes traversèrent le Rhin ou franchirent le Rubicon, ici, Frêche s'empare des deux rives du Lez. Le nouveau quartier du Millénaire s'élèvera à sa suite. Tout ceci a pour but d'étendre Montpellier vers l'Est, peut-être un clin d'oeil aux amours politiques de jeunesse de Georget, et seule la mer pourra stopper cette expansion. La mer qui ne sera pas accessible par le tram, la ligne venant s'échouer à 1 kilomètre de celle-ci, pour faire chier le maire de Palavas qui a la mauvaise idée de ne pas partager le culte du grand Georges.

Après le quartier du Millénaire, toujours en érection à l'heure actuelle, le dernier grand chantier de Frêche sera Odysseum. Un horrible complexe commercial qui permet à Montpellier d'atteindre l'autoroute. Un de ces lieux impersonnels, qui n'existent pas. De ces lieux qui singent l'ambiance et les rues d'une ville mais qui jamais n'auront d'âme, bien propres, bien hygiénistes, javellisés. Tout entier dédié à la consommation, des fast-foods, des magasins de fringues, un hypermarché, un aquarium, un bowling, des restaus, des bistrots, un fabricant de meubles suédois en kit, un complexe sportif, une patinoire, un planetarium, des cinémas, des conneries bio et j'en passe, cernés de parking à perte de vue, le tout en plein air avec des palmiers (on va se marrer quand y aura du vent) dans des décors dignes de Disneyland qui auront le bon goût de vieillir et de se délabrer très rapidement. Une horrible merde kitsch au concept dépassé en ces temps de crise et de recul de la consommation, qui un an après son ouverture s'annonce comme un semi-échec (hors du week-end y a pas un chat).

Odysseum par jour de grande affluence


Et c'est ici, dans ce décor de carnaval consumériste, de stuc et de carton-pâte, que vendredi dernier, le Magical Frescescu Tour est venu présenter une nouvelle fois son barnum, à l'occasion de l'inauguration de SA place des Grands Hommes...

Ce que je vous conterai demain. Ceci ne devait être qu'une intro et je me suis laissé un peu déborder.
Du coup ça va faire long pour les feignasses que vous êtes.

4 commentaires:

  1. Moi, j'aime bien Bofill. J'ai visité, du temps où j'étais en école d'architecture, ses espaces d'Abraxas, et ça m'a plu. C'est invivable, inhumain, mais c'est monumental. Et c'est bien cette volonté de grandeur. Evidement, ça n'aurait jamais du être des habitations, mais on s'en fout, en l'occurence. C'est suffisamment unique pour être conservé à titre d'exemple.

    Frêche, par contre, peut ête passé au broyeur, façon Fargo, qu'il ne manquerait pas beaucoup à l'humanité.

    http://www.youtube.com/watch?v=8qWFhDvURLg

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  2. Oui c'est monumental, t'en prends plein la gueule. Mais le problème justement d'Antigone c'est que c'est fait pour être habité. T'as des cages à lapin avec des mini-fenêtres.
    C'est oppressant. T'as l'impression de te ballader dans un fantasme d'Albert Speer (père).

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  3. "Du béton partout, tout le temps, une mer de béton se déversant en flots continus sur la ville au grand bonheur des entrepreneurs locaux et des propriétaires terriens trop heureux de voir leurs terrains agricoles devenir constructibles au fur et à mesure que la ville avance et que le prix du m² explose."

    C'est encore un peu plus pervers (ou malin tout dépend du point de vue que l'on prend) que ça... ;)

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  4. Moi, je l'aimais bien quand il formait un duo avec Blanc.
    Deux féodaux, le combat des titans, ça me faisait marrer, mais bon maintenant j'habite ailleurs en pire que Montpellier et avec des travaux partout aussi... Beurkk...

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