19 juillet 2010

Nouvelles du front


Par où commencer ? « Ça a débuté comme ça ». Comme ça ? Mais comment ? Et quand ? Où ? Théâtre des opérations, l’Europe en ruine, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Libération. Libéré de l’Histoire. Le saut hors du Temps. La fin. La fin de l’Histoire, enfin suicidée après un échec incongru, malgré tranchage des veines en tranchées. C’est le début d’autre chose, d’un monstrueux Temps nyctalope, héritier du lavage de cerveau, des tracts, des trains, des souterrains, des blockhaus, des murs, des barbelés et des miradors des camps, du fichage bureaucratique. Il a dressé lui-même son acte de naissance à l’ombre des buildings new-yorkais étanches et transparents en 1948. Droits universels et résolutions de paix totale ! Signez ma vérité, singez, signez, siégez ! On libère ! On émancipe ! On redistribue ! C’est toujours eux qui voient, les marchands de canon et y sont jamais repus. Yalta voir ! Quel bonheur ! ONU soit qui mal y pense. Un pain total.
Mai 68, date des révolutions révolues. Fini de rêver. Tous les systèmes de résistance aux lois du Marché ont pété en même temps. C’est l’avènement d’un individu roi, pas même capable de régner sur son seul sujet : son propre Moi. C’est l’hystérie humanitaire et bien pensante. On libère ! On émancipe ! On regroupe ! Toujours plus loin dans la nuit, mais on y voit comme en plein jour avec les néons et les lumières noires…


La fleur au fusil, que des rêvolutions


Mai 81, et cet acte premier, hautement symbolique d’un Président qui remonte une rue vers un cimetière. La victoire fêtée dans un tombeau. Celui des grands hommes de la France. De quoi acter un voyage sans retour. La marche vers le Panthéon, tout un symbole funeste, funèbre : le tombeau des grands hommes, c’est désormais celui de la France entière. On libère ! On émancipe ! On récuse ! Jaurès, sur la tête de ta mère. Quoi de plus naturel que d’aller pisser sur les Lumières, quand on a jamais vécu que dans la nuit d’après la nuit d’après la nuit ?


Porc épique


Mai 2007, l’insécurité a fait un Président ? L’insécurité, doux euphémisme empruntant à la psychanalyse ses camisoles paranoïaques et schizophrènes. L’insécurité est un sentiment, le sentiment d’insécurité. La perception de la réalité n’est pas la réalité. Tout va bien : les médias ont fait l’insécurité qui a fait un Président. On libère ! On émancipe ! On réhabilite !


On a les inspecteurs Harry qu'on mérite


Jetez un œil aux terrasses des cafés parisiens. Jetez un œil aux badauds qui cuisent sous un bombardement d’UV ne rencontrant plus qu’une ozone en haillons. Regardez-les s’indigner au premier allumage de tige, tandis que les grosses cylindrées démarrent au signal et enfument ces nez si fins et ces poumons d’asthmatiques non tabagiques. Pas de plomb-blème ! Tout va pour le mieux. La vie est belle pour ces crevés ! Des émeutes interethniques en plein Belleville, des pompiers, des policiers, des passants, des vieux qui dormaient tranquillement la fenêtre ouverte, attaqués il y a à peine une semaine à coup de mortiers pyrotechniques festifs, en plein Paris, des émeutes à Grenoble, avec près d’une centaine de voitures cramées en deux nuits, des commerces partis en volute dans des effluves d’essence, et des policiers pris à partie à balle réelle, pas de panique, il fait si beau et on embarque bientôt dans une bétaillère France direction les îles caribéennes. La corruption au plus haut niveau de l’Etat est à jour, à nue, à vif, mais la radicalité ne s’incarne que dans l’écume pasteurisée d’une opposition collabo : Sarkozy doit dissoudre l’Assemblée nationale pour Julien Dray. Ah bon ? La nuit sans fin est un trou noir. « Ça a débuté comme ça » ? Quoi ? Qu’est-ce qui a débuté comme ça ? La guerre civile totale en France. Il faudrait être fou pour demander encore des preuves…


Les cendres sous le tapis


Les caïds et autres racailles des cités de France agissent en toute impunité. Rien d’anormal, ils y sont invités par tout un système. La colonne des faits divers ne cesse de vomir des indices de permissivité généralisée. Chaque délinquant sous le feu des projecteurs est un multirécidiviste. Et l’on devrait s’étonner, à l’instar de Bénédicte Charles de Marianne 2 (qui fait par ailleurs un excellent travail de recherche et d’analyse à ce sujet), de la banalisation d’une violence poussée à une intensité barbare ? Tournantes, lynchages, torture, coups de couteau pour un regard, une cigarette refusée, tout ça, mais c’est devenu du quotidien ! Et le quotidien, c’est du culturel ! Et les policiers allumés comme à la foire avec !


Commissariat de police de proximité


Des émeutes simultanées de 2005 à Villiers-le-Bel en 2007, une belle progression pour nos élèves assidus de l’école de la rue : les armes à feu ont parlé. On n’arrête pas l’Progrès. Pour toute personne lucide et bien informée, aucune surprise dans cet événement. L’économie parallèle pratique notamment la filière serbe depuis plus de dix piges, et sous l’œil protecteur et complice des RG. Le procès de Villers le Bel, pas de surprise non plus. C’était sûr que ça allait constituer un summum de caricature. Vous reprendrez bien un peu de farce dans votre mascarade judiciaire ? Un bel encouragement pour faire de l’événement un phénomène. Exemplaire pour révéler que notre système n’est pas armé pour répondre. Cette peur qu’on couve en l’appelant loi du silence. Ces crimes qu’on couvre en n’y mettant pas les moyens. Un message entendu haut et clair par les caïds des tours de béton et leurs hordes de racailles déshumanisées. Grenoble en est la preuve. Consécutives à la mort d’un jeune français d’origine immigrée, cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un ado occupé à consciencieusement violer les règles du code de la route et à se rendre coupable de délit de fuite, mais bien d’un braqueur de 27 ans, ayant arrosé les flics avec son arme de fabrication israélienne. Les émeutes de Grenoble sont le miroir de l’événement qui les a enfantées : elles se jouent à balles réelles, et de manière absolument décontractée. De l’émeute à la guérilla urbaine, qu’un pas. "Une guerre civile est la situation qui existe lorsqu'au sein d'un État, une lutte armée oppose les forces armées régulières à des groupes armés identifiables, ou des groupes armés entre eux, dans des combats dont l'importance et l'extension dépasse la simple révolte ou l'insurrection." Quid de cette définition dans le cadre de "simples révoltes et de simples insurrections" récurrentes et normalisées ? La guerre civile ne surgit pas de droit, mais elle est bien dans la place, de fait.


Si vis pacem


C’est la conséquence directe de la politique menée en France et en Europe depuis plus de trente ans. Victimisation et instrumentalisation à fins électoralistes systématique de l’immigré, culpabilisation antipersonnelle de l’accueillant occidental, amalgame de tout attachement national culturel au racisme et au fascisme, promotion de toute culture qui n’est pas d’ici dans le cadre d’un relativisme destructeur, justice caramélisée par le droit de l’hommisme et l’humanisme dégradé en humanitarisme, annihilation de toute autorité, l’acmé du processus en la personne de Nicolas Sarkozy, promotion d’un prêt à penser, vecteur de l’idéologie d’une dictature totale, molle et narcissique, équarrissage de la citoyenneté, déconstruction systématique de tout repère, de tout modèle d’identification, jusqu’à l’inconscient collectif national, rendant mentalement impossible toute possibilité de lecture critique, de projection, de réaction au réel, et grotesque toute pensée d’union, institutionnalisation de l’inculture, généralisation de l’abrutissement et de l’abêtissement, propagande en continu par la grâce de l’évolution technologique, peur répandue partout de manière insidieuse. Le mensonge, le laissez faire et le laissez passer partout.


La Vème République vue du ciel


Derrière la façade, que des ruines. Plus de décor même ! L’illusion de République est aussi tombée par terre, c’est la faute à la vieille… La Bettencourt. Les institutions de notre société ont été détournées. Leurs fonctionnaires ne sont que la garde prétorienne, les unités de protection rapprochée des dominants. La République ne protège pas le citoyen. Son ordre public, c’est la loi des multinationales. De toute façon, elle serait aujourd’hui bien incapable de répondre à l’appel à l’aide du plus quiconque des quidams. Y’en a qu’espèrent le mur ? Mais on l’a pris mille fois ! Alors c’est l’escalade de la canaille, qu’on l’appelle racaille ou homme politique.


Le contrat social se dénoncera par les urnes... funéraires


Les obligations essentielles d’un contrat ne peuvent pas ne pas être remplies sans que le contrat finisse par être dénoncé. On dit que l’insurrection ne viendra pas car on ne sait pas par quoi remplacer le système en place. Mais l’émeute est partout, la violence barbare est partout et l’Etat n’offre plus de possibilité de protection. L’insurrection citoyenne ne sera pas un événement d’envergure. Il sera une multitude d’actes isolés, pour des citoyens laissés à l’abandon, aculés par le réel, qui n’ont plus le choix que de redécouvrir leur première prérogative, à la fois un devoir et un droit : l’autodéfense. Les serviteurs du système continueront à dissimuler le surgissement de la guerre civile sur notre territoire, mais ces réactions seront bien politiques, car dictées par une soif de tranquillité au service d’un réel ordre public. Le citoyen, régénéré par la prise en main de son destin, n’ayant plus le choix de ne s’en remettre qu’à lui-même pour assurer sa survie, redevenu un homme, laissera alors peut être parler un ras le bol général qui aura beaucoup plus à voir avec la justice, que cette simulation de République dans laquelle nous vivons. « Ça a débuté comme ça. » On ne savait pas ce qu’on voulait, mais on savait sûr ce qu’on ne voulait plus.

3 commentaires:

  1. Texte très très pertinent.
    La préface du livre d'Histoire qui est en train de s'écrire.

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  2. "Le citoyen, régénéré par la prise en main de son destin..."
    Vous avez encore de l'espoir on dirait. Je ne suis pas sûr que le citoyen ait encore de quoi se régénérer. Ceux qui prendront les armes risqueront plutôt de devenir des loups pour les autres.
    C'est marrant, ce texte de Yann fait écho au votre:
    http://lebondosage.over-blog.fr/article-la-fin-de-la-fin-de-l-histoire-54212157.html

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  3. "Ceux qui prendront les armes risqueront plutôt de devenir des loups pour les autres."

    Ils risquent surtout s'ils les prennent trop tôt d'être la nouvelle bête à abattre quoi qu'il en soit du réel début de guerre civile de l'autre côté.
    Et à mon humble avis ce sera toujours trop tôt, toutes les banlieues chaudes de France pourraient être en insurrection simultanée, l'armée et le couvre-feu déployés que l'amalgame et la discrimination seront encore et toujours synonymes d'ignominie.

    Les milices fachistes faut avouer que c'est autrement bandant que le tabagisme ou l'insécurité routière...

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