8 septembre 2009

Paris sera toujours Paris



Il s'agit donc de nous inculquer une opinion royalement nationale, en nous prouvant qu'il est bien plus heureux de payer douze cents millions trente-trois centimes à la patrie représentée par messieurs tels et tels, que onze cents millions neuf centimes à un roi qui disait moi au lieu de dire nous. En un mot, un journal armé de deux ou trois cents mille francs vient d'être fondé dans le but de faire une opposition qui contente les mécontents, sans nuire au nouveau gouvernement national du roi-citoyen.

Or, comme nous nous moquons de la liberté autant que du despotisme, de la religion aussi bien que de l'incrédulité ; que pour nous la patrie est une capitale où les idées s'échangent et se vendent à tant la ligne, où tous les jours amènent de succulents dîners, de nombreux spectacles ; où fourmillent de licencieuses prostituées, où les soupers ne finissent que le lendemain, où les amours vont à l'heure comme les citadines ; que Paris sera toujours la plus adorable de toutes les patries ! la patrie de la joie, de la liberté, de l'esprit, des jolies femmes, des mauvais sujets, du bon vin, et où le bâton du pouvoir ne se fera jamais trop sentir, puisque l'on est prêt de ceux qui le tiennent... Nous, véritables sectateurs du lieu Méphistophélès, avons entrepris de badigeonner l'esprit public, de rhabiller les acteurs, de clouer de nouvelles planches à la baraque gouvernementale, de médicamenter les doctrinaires, de recuire les vieux républicains, de réchampir les bonapartistes et de ravitailler le centre, pourvu qu'il nous soit permis de rire in petto des rois et des peuples, de ne pas être le soir de notre opinion du matin, et de passer une joyeuse vie à la Panurge ou more orientali, couchés sur de moelleux coussins.


Honoré de Balzac
La peau de chagrin

3 commentaires:

  1. Peau de vache maigre8 septembre 2009 à 13:46

    C'est pas gagné !

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  2. Il parait même qu'en s'asseyant sur son trône légitime Louis XVIII aurait dit "Mouai le RRRouai" comme on le prononçait avant la révolution et que ça a bien fait rire tout le monde.

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  3. Vive la République. Vive la France !
    Et on pendra haut et court les petits roquets pleins de vilénie qui voudront nous faire masturber sur l'ancien régime. Enfin, on les guillotinera plutôt.

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