3 janvier 2008

Le Prince


Pour qui en ce début de XXIe siècle veut comprendre les ressorts de la Realpolitik, voici un petit manuel de vulgarisation écrit en…1513 ! Machiavel observe et analyse la façon dont les Princes conquièrent le pouvoir et comment ils doivent agir pour le conserver. Il tire de cette étude des règles générales qui relativisent le problème moral dans la définition de la conduite humaine et qui font émerger un nouveau type de pouvoir, l’Etat séculier moderne. Le penseur italien étudie ainsi le bon usage de ce qu’on appelait pas encore la propagande mais qui est déjà décrit comme un drama, une mise en scène du Prince pour s’attirer le soutien du peuple. Ce petit ouvrage expose ainsi la nécessité d’une manipulation et d’une surveillance constantes du peuple. Mais pour être efficace, l’action du Prince doit surtout savoir s’adapter aux conjonctures en usant de tous les mensonges et tous les reniements. L’obtention de la faveur populaire et le souci de la préservation du pouvoir et de l’Etat (notre actuelle raison d’Etat) autorisent en effet tous les moyens, fussent-ils les plus détestables. Pour Machiavel, le jeu politique est donc une dialectique permanente avec le réel. Et c’est donc également un jeu d’équilibre entre morale (affichée ou réelle) et pragmatisme. Selon les circonstances l’un ou l’autre terme est privilégié et pèse plus ou moins lourdement dans la balance de l’économie politique. La lecture de cet ouvrage et du Discours sur la première décade de Tite-Live, autre livre majeur du théoricien italien, doit nous interroger également sur la nature actuelle du Prince et de l’Etat. Qui sont-ils ? Quels rôles tiennent-ils ? Quelle est la légitimité et l’efficacité de nos actuelles « institutions des tribuns », corps intermédiaires entre le Prince et le peuple auxquels Machiavel attribuait la fonction de modérer les démesures et les inconstances de l’un et de l’autre.

Le chapitre XXV du Discours intitulé « Salus patriae suprema lex esto » résume bien la finalité de l’action du Prince telle que la concevait Machiavel. Le bien-être de la patrie, voilà la loi suprême et il ajoute : « Partout où il faut délibérer sur un parti d'où dépend uniquement le salut de l'État, il ne faut être arrêté par aucune considération de justice ou d'injustice, d'humanité ou de cruauté, de gloire ou d'ignominie, mais, rejetant tout autre parti, ne s'attacher qu'à celui qui le sauve et maintient sa liberté ». Ainsi, avant de nous interroger sur les moyens utilisés par nos gouvernants, interrogeons-nous d’abord sur la fin de leur action. Si le pouvoir pour le pouvoir est détestable, le pouvoir pour le pouvoir pour la patrie l’est peut-être beaucoup moins. Seulement, encore faut-il qu’il y ait une patrie à servir et les moyens pour le faire. En effet, l’Etat tel que théorisé par Machiavel, et pour lequel il emploie également le terme de patrie au sens de la cité antique, c’est l’Etat de Puissance, souverain et incarnant l’intérêt général. Partant, on serait bien en droit de se demander si aujourd’hui, avec notre Etat désengagé, minimisé, affranchi de la nation, c’est-à-dire du peuple, le pouvoir pour le pouvoir n’aurait en fait plus qu’une seule fin : un supra-pouvoir globalisant.

3 commentaires:

  1. Le Prince, c'est comme 1984; le mec a voulu donner au peuple les outils pour se défendre mais ce sont les puissants qui en ont profité pour pouvoir avoir plusieurs coups d'avance sur lui. Machiavel et Orwell ont bien merdé.

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  2. De ce que j'ai retenu de ma lecture du "Prince", c'est qu'on ne doit pas cajoler le peuple, mais la population qui permet l'accès le pouvoir (chap. XIX) en démocratie ça devrait être la même chose, mais il y'a des jours où je me demande. Reste à savoir à qui nos princes doivent leur pouvoir...

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  3. Ce qu'il y a de bien avec les supra-enculés despotiques totalitaires, c'est qu'une fois au pouvoir, les premiers à perdre leur tête sont les supra-enculés démagogue qui nous ont bien fait chier par le passé

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