2 septembre 2007

Dis Papa, ça sert à quoi la rentrée ?














En 2007, l'éducation est devenue une marchandise comme les autres. A-t-on parlé de savoirs, de programmes, de conditions de travail, de projets éducatifs en cette rentrée. Non. Les médias officiels s'en sont tenus au seul sujet dont on doit se préoccuper désormais, le seul pouvoir que l'on concède (ou pas) aujourd'hui : celui d'acheter.
D'où cette agitation démesurée dans les médias officiels autour des prix des classeurs et des stylos. Et est-ce qu'il fallait demander aux hypermarchés de baisser les prix avant ou après la rentrée ? Et donc pluies de reportages qui sont autant de publicités pour toute cette camelote et qui ont pour fonction perverse de reléguer au rang d'exclus ceux qui n'auraient pas ou plus les moyens de participer à cette fête consumériste*. D'où également les petits coups de pouces budgétaires pour les plus démunis, coups de pouces incitatifs qui permettent à ceux qui ne le pourraient pas de mettre un pied dans le dispositif. Etant entendu qu'outre sa fonction pavlovienne d'entretien du mécanisme consumériste chez les familles concernées (faut pas que ça rouille), cette charité étatique vise à ce que ces mêmes familles n'y mettent pas qu'un pied, mais que dans leur farouche volonté d'être "comme tout le monde", ils y laissent les deux de pieds et puis les jambes et tout le reste avec. Mais bon les gosses auront leurs classeurs Tortue Ninja et leurs stylos Spiderman (ou je ne sais quoi encore) et tout le monde sera content. Tous les jours de leur vie d'écolier, par l'entremise de leurs fournitures scolaires, les enfants cotoieront leurs marques et programmes télé favoris. Ca n'en fera pas de meilleurs élèves, ça aura même plutôt tendance à les divertir, au sens pascalien du terme. Mais là encore cet objectif fait partie du dispositif. Et puis en dehors de la classe, c'est le baladeur mp3, le distributeur de coca ou de capotes et l'étalage des fringues vues à la télé. Bref, on fait d'une enceinte qui devrait être protégée (et non pas par des portiques magnétiques ou des caméras de surveillance - mais par le port de l'uniforme par exemple), on fait donc d'une enceinte qui est par principe un creuset de civilisation , un lieu de laideur et de promotion de la marchandise et de mise en dépendance au thème de la fesse.

Très bientôt, la rentrée scolaire et l'école en général, ne seront plus que des rituels et prétextes pour produire et refourguer encore et toujours plus de camelote. En 2007, la rentrée scolaire, ça sert à vendre.



* car quoi qu'en disent les parents, l'achat des fournitures est de moins en moins considéré comme une corvée ou une charge financière, mais tend à devenir, grâce au marketing festiviste, une grande kermesse où l'achat tient lieu de rite initiatique pour l'enfant.

7 commentaires:

  1. Hi... nice blog... greetings from mexico

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  2. 'l'achat des fournitures est de moins en moins considéré comme une corvée ou une charge financière, mais tend à devenir, grâce au marketing festiviste, une grande kermesse où l'achat tient lieu de rite initiatique pour l'enfant.'

    Bien vu. L'enfant apprecie d'ailleurs puisqu'il a un pouvoir sur sa mere dans l'acte de consommation. C'est son jour de consommation. Le drame c'est que pour l'enfant c'est un momemt de liberte, d'emancipation. Carrefour fournisseur de liberte, welcome to the modern times.

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  3. D'où également la prolifération dans les hypermarchés, de petits chariots destinés aux enfants, afin qu'ils prennent bien le pli.

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  4. Le phénomène est-il si nouveau, mes chers compatriotes?
    Je me souviens (j'ai 40 piges, j'ai le droit d'avoir des souvenirs) qu'autour de 1975/80, mes rentrées des classes à moi étaient toutes semblables : en dehors des livres obligatoires, tu fais avec ce que tu as ! La trousse du CM2 servait facilement jusqu'en quatrième.
    Et je me souviens parfaitement des pressions publicitaires, médiatiques et sociales qui tentaient bien vainement de foutre des complexes à ma môman. Habitué dès la couche à me servir des affaires de mes grandes soeurs (sauf les jupes, hé), je n'arrivais pas à comprendre que mes petits collègues se pointent en classe le premier jour avec des FRINGUES NEUVES (il y en avait plein), des POMPES NEUVES, et je ne vous parle pas des fournitures proprement scolaires. Je témoigne donc qu'en ces temps reculés, des MALADES achetaient déjà des trucs parfaitement inutiles, ou hors de propos à leurs mioches, juste pour l'occasion de la rentrée des classes. Et je précise que je ne parle pas de gros richards.

    Ceci dit, je suis bien d'accord sur le diagnostic : nous sommes et nous serons de plus en plus considérés OUVERTEMENT comme des dépenseurs, des acheteurs de came-qui-font-tourner-l'économie, des agents économiques, enfin comme autre chose que des citoyens.
    Hé merde.

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  5. ben si c'était déjà le cas, dans le principe, en 75-80, je crois qu'on peut dire que le phénomène est relativement nouveau. En tout cas, cela coïncide évidemment avec la fuite en avant du capitalisme.

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  6. Pas sûr par contre qu'il y avait des chariots pour les gosses en 75.

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  7. Des chariots pour les gosses ? Non, je ne pense pas. C'est comme les classeurs avec la tronche de Spiderman dessus, c'était rarissime. Les fanas de John Travolta étaient obligés de coller une photo extraite d'un magasine déjà splendidement débile pour pouvoir adorer l'idole jusqu'au coeur de l'école de Jules ferry ! Ha le bon temps j'vous dis.
    Plus profondément, et par rapport au coeur de l'article, le mécanisme est hélas bien connu: une société qui fonde tout sur le commerce, et d'autant plus qu'elle est menacée par des commerçants nouveaux venus et pleins d'énergie, n'a pas INTERET à produire des classeurs avec la photo de Spinoza dessus, ni à faire comprendre au mioche que ses baskets bariolées sont moches, inutiles en dehors du stade, qu'elles coûtent un prix fou et qu'il pue des pinglots.

    Là où je mettrais une légère nuance dans l'analyse, c'est quand tu dis qu'on prépare le mioche à la consommation. Je crois que c'est plus invraisemblablement pervers que ça : consommer, c'est en gros satisfaire ses besoins. Nous en sommes au stade de la satisfaction des besoins de "l'entreprise" , c'est à dire l'exhortation à dépenser son fric pour faire marcher le biz. Achetez des trucs inutiles, c'est pour mon bien ! ou, pire, pour NOTRE bien (ce qui institutionnalise le rôle de vache à lait de l'individu au service de tous). Personne n'a BESOIN d'un téléphone portable qui fait des photos minables, des films minables, qui joue de la musique avec un son minable... Etre un consommateur (que j'appelle plutôt un dépenseur), ce n'est plus avoir le souci de ne manquer de rien, c'est plutôt se tenir prêt à la dépense en toutes circonstances, au moyen du crédit si nécéssaire, pour intégrer concrètement la communauté et y trouver sa place.
    Cette petite nuance n'est pas que de vocabulaire, elle marque que nous sommes dans une époque où la dépense (l'échange marchand diraient les gens vachement cultivés)n'est plus une façon de vivre, mais une façon de survivre.
    Hé merde.

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