14 avril 2007

Guerre d'Algérie et guerre d'Irak

Après celle intitulée La religion et les Lumières, voici une autre synthèse concernant, cette fois, l’intervention de Benjamin Stora sur France Culture à propos de la guerre en Irak.*

Dans ce programme, Benjamin Stora** nous expose les parallèles qui peuvent être établis entre la guerre d’Irak et la guerre d’Algérie.

En préambule, l’historien nous rappelle l’anecdote qui veut que Georges Bush se soit fait projeter, quelques temps avant l’invasion de l’Irak, le célèbre film de Gillo Pontecorvo sorti en 1966 et intitulé « la bataille d’Alger ». Ce film reconstitue la bataille qui eut lieu lors du soulèvement de la population algérienne contre le pouvoir français et la lutte pour le contrôle de la Casbah entre le FLN et les parachutistes du colonel Massu. En 2003, le film aurait aussi été visionné au Pentagone par les officiers d’état-major américains sur le point de diriger l’offensive en Irak. Il se serait agi pour eux de s’imprégner des méthodes et stratégies décrites par le film et d’en tirer les enseignements pour leurs actions à venir.***

Le déroulement de la guerre d’Irak n’a pas démenti ce pressentiment sur les ressemblances entre les deux conflits. Cependant, les autorités américaines ne s’attendaient pas à une conformité aussi parfaite. Ils espéraient, en effet, qu’en dehors de certains points communs dans les défis qu’ils s’apprêtaient à relever, le conflit se règlerait également par la voie aérienne et technologique. Nous avons vu qu’il n’en fut rien. Comme en Algérie, l’ennemi est invisible et le combat se fait au corps à corps. Et comme en Algérie, le recours à la torture a été avéré avec notamment le scandale de la prison d’Abu Ghraib. De plus, le caractère para-colonial de l’offensive américaine ne fait plus aucun doute. D’autres similitudes enfin émergent à l’analyse des deux conflits : dans les deux cas, nous avons à faire à une armée régulière qui s’oppose à des formes de guérilla ou à des groupes armés qui usent du terrorisme ; dans les deux cas, le temps est un paramètre essentiel qui joue généralement en faveur des groupes de rebelles et des groupuscules terroristes.

Concernant l’aspect politico-religieux des deux conflits, il est possible, là encore, d’établir un parallèle. En effet, comme ce fut le cas en Algérie, la conception millénariste qui professe l’inéluctabilité du départ de l’étranger, usurpateur de la Terre d’Islam, pèse énormément sur le conflit irakien. L’Islam est utilisé comme une sorte de référence identitaire contre l’étranger.

En ce qui concerne enfin les conséquences de cette guerre sur l’avenir de l’Irak, nous pouvons penser que l’actuel chaos n’augure rien de bon. Cette guerre risque de léguer une situation instable absolument défavorable à l’objet initialement avancé par les américains qui était d’établir la démocratie et la liberté. Comme en Algérie, où après le départ de la puissance coloniale, un système autoritaire organisé autour d’un parti unique s’est mis en place, il est fort probable que le souhait d’un surgissement de la démocratie en Irak ne reste lettre morte.

S’est ainsi une fois de plus révélée dans la guerre d’Irak, la propension de l’Occident à s’adonner à des missions civilisatrices, à vouloir à tout prix imposer de l’extérieur sa vision des Droits de l’homme et un idéal qui, comme en Algérie, sont donc battus en brèche.

* Concordance des temps, émission du samedi 3 mars 2007.
** Historien, professeur des universités, spécialisé dans l’histoire du Maghreb.
*** Ce n’est pas la première utilisation de ce film à des fins instructives. Dans les années 70, sur l’initiative de la CIA, il servit à informer les officiers chiliens du régime de Pinochet sur les stratégies de maîtrise et de quadrillage de l’espace urbain.

7 commentaires:

  1. Je veux bien me trancher une couille si Bush a vu la Bataille d'Alger jusqu'au bout. Déjà qu'il ne lit jamais les rapports de ses services secrets. De plus l'Irak est divisé en son sein et en trois morceaux, ce qui n'était pas le cas de l'Algérie. Mais sinon qui joue les Français dans cette simulation ? Saddam ou les Américains. Pas bien compris moi !

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  2. Il est vrai qu'à la différence des Américains, les Français étaient déjà "sur place". On peut peut-être considérer qu'avant leur arrivée, les Américains considéraient que l'Irak leur appartenait...
    Ou bien les Américains en Irak, c'est comme si les Français allaient aujourd'hui apporter la démocratie en Algérie...
    C'est effectivement pas franchement limpide.
    Mais comme tu l'as vu, le parallèle se limitait à exposer des similitudes dans la nature et le déroulement des interventions militaires.

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  3. Intrinsèquement, les deux conflits ne sont pas de même nature : la France se battait sur ce qui était son sol, ce qui change totalement la mentalité des belligérants. D'accord, dans les deux cas les troupes autochtones se servent d'une guérilla soutenue par l'idéal djihadiste face à laquelle une armée régulière se trouve démunie, mais pour moi le parallèle s'arrête là. Ceci dit, ça ne m'étonne pas que ce révisionniste de Stora ait fait la comparaison. Je ne suis pas pro-colonialiste, mais franchement la France a moins à rougir de ce qu'elle fit en Algérie que les Américains de ce qu'ils font en Irak. Seulement Stora fait partie de cette malsaine cohorte qui aime à culpabiliser encore et toujours les Français face à leur histoire. Ca devient fatiguant, un peu.

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  4. Peut-on raisonnablement accorder le moindre crédit à un type comme Stora qui soutient Royal ?

    Stora : à côté de ce qui t'attend dans 2 semaines le calvaire de Klemperer sous les nazis c'est Disneyland ; c'est pas avec le "Mythe du XXème siècle" qu'on va te cabosser ta tête de noeud c'est avec les oeuvres complètes de Sarkozy.

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  5. vaudrait mieux comparer avec la seconde guerre d'algérie...

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  6. Dans mon souci de restituer sans le trahir le propos de Stora, la perfidie de celui-ci m'avait un peu échappée. Merci de la rectification thenightwatch.

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  7. De rien, ZEFA, c'est toujours un plaisir de rendre service, il y a tellement de vilains empêcheurs de penser en rond dans ce pays qu'on ne peut pas tous les (re)connaître d'un seul coup d'oeil! Pour vous dire à quel point cet homme est intellectuellement mort, je vous fais part de ma découverte du jour : il fait partie de la liste des 200 vendus s'auto-proclamant "intellectuels" qui appellent dans Libé à voter à toute force Ségogole pour faire gagner la gôche (la bonne blague!). Allez, allez, on vous dit d'aller voter Ségo, c'est un ordre des gens plus intelligents que vous, exécution! Schnell!
    A lire ici :
    http://www.liberation.fr/rebonds/248512.FR.php

    Malheureusement les rires en boîte ne sont pas fournis avec l'article. Hé Rothschild, le web 2.0 c'est du poulet?!

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