14 septembre 2006

Lola Montés, la comtesse d’une heure.



Irlandaise d’une époustouflante beauté qui se fit passer toute sa vie pour une espagnole; danseuse, escrimeuse, aventurière, et surtout courtisane, Marie Gilbert, alias Lola Montés, dont les frasques avec son amant le vieux roi Louis 1er de Bavière amenèrent ce pays au bord de la révolution, est sans aucun doute la plus sulfureuse des parvenues du XIXème siècle.

Le 18 juin 1818, à Irishtown, dans le comté de Mayo, sur la côte Ouest de l’Irlande, naquit un beau bébé de sexe féminin que ses parents appelèrent Marie Dolorès Elisa.
L’heureux papa, le capitaine Gilbert, venait d’échapper, trois ans plus tôt, à la mort durant la terrible bataille de Waterloo où il se battait dans les rangs d’un autre Irlandais devenu célèbre, le Duc de Wellington.

Muté en 1823 à Dinapore aux Indes, l’officier emmena, comme il était d’usage, sa petite famille avec lui. Après un voyage éprouvant, les Gilbert se retrouvent en garnison sur les bords du Gange, dans une région marécageuse, infestée de moustiques, où l’air humide est presque irrespirable. Une épidémie de choléra ne tardera pas à décimer le régiment et le capitaine Gilbert, qui a survécu au feu et au fer des armées de Napoléon, va mourir de fièvre à des milliers de kilomètres de son Irlande natale.

Voilà donc la veuve éplorée, et sa jeune enfant, contrainte d’être recueillie chez la famille du major Graigie, un ami du défunt mari. Ce dernier va vite consoler la jeune veuve car quelques mois plus tard, et en dépit des convenances, le fringant major va mener la veuve Gilbert à l’autel alors que la petite Marie est expédiée comme un paquet de linge sale à Paris pour y parfaire son éducation.


Lola à 20 ans


De retour aux Indes, l’adolescente qui descend du bateau est éblouissante de beauté. Un proche des Graigie, le jeune lieutenant Tom James, en aura la tête retournée. Alors que la mère de Marie complote dans le dos de sa fille afin de la marier à un juge au tribunal suprême des Indes, homme fort riche mais âgé de 62 ans, le jeune officier séduit la jeune beauté de 19 ans avant de l’enlever à la barbe de sa mère et de l’épouser sans le consentement familial. C’est une belle dote qui s’envole et la mère de Marie ne lui pardonnera jamais.

Voilà donc la jeune madame James reçue assez froidement dans sa belle famille anglaise. Le manoir familial l’ennuie à mourir et il faut croire que c’est à cette époque qu’elle se mit à pratiquer l’escrime, un art martial qu’elle maîtrisera à merveille. Son mari n’attendra pas même un an pour la délaisser au profit d’une autre beauté. Marie demandera un divorce qui lui sera refusé, avant de retourner chez sa mère, la queue entre les jambes.

Cette dernière réexpédia aussitôt sa fille indigne par le premier bateau chez de lointains cousins écossais. Sur le navire qui la ramène en Europe, la belle Marie tombe sur Charles Lennox, un dandy londonien qui va succomber à son charme.
Sans réfléchir Lennox installe la belle irlandaise à Londres où elle rencontrera par son entremise l’actrice Fanny Kelly et on peut dire que c’est cette ancienne grande dame de la scène qui changera sa vie. Après lui avoir dispensé des cours d’art dramatique pour un résultat peu convainquant, Fanny poussera celle qui est devenue son amie à devenir danseuse.


Lola en coustume de scène


En juin 1843, le Londres artistique va donc la découvrir sous le pseudonyme de Doña Lola Montés, du Théâtre Royale de Séville. Déguisée en gitane, elle va enflammer son public avec des numéros de danse particulièrement torrides pour l’époque. Le succès est immédiat. Mais pour celle que l’on appelle maintenant Lola, le meilleur est à venir et c’est un jeune pianiste virtuose autrichien qui va le lui apporter.


Franz Liszt


Franz Liszt, après un récital dans la capitale anglaise, se laisse traîner par des amis au théâtre où sur les planches, il tombe en arrêt devant la belle Lola. Après une rencontre en coulisse, la fausse gitane devient sa maîtresse et le jeune pianiste va l’enlever de Londres, au grand désespoir de ses nombreux fans et courtisans. Elle va suivre le pianiste lors de sa tournée européenne, se déguisant parfois en jeune garçon.
Durant cette période, la fausse espagnole sera arrêtée par la police de Berlin pour avoir fumé dans la rue et levé ses jupes, un peu plus tôt dans un sauna, pour prouver à un monsieur qui ne la croyait pas, qu’elle portait toujours un poignard glissé sous sa guêpière. Un peu plus tard, à Baden Baden, elle provoque un jeune officier en duel et est expulsée de la ville après l’avoir blessé. Les caprices de la jeune femme, liées à son caractère épouvantable, finirent par lasser l’Autrichien qui la laissera tomber à Dresde après une dispute apocalyptique.



Duel de Lola en Allemagne


Se retrouvant sans protecteur, Lola retournera à Paris où elle montera sur les planches d’un théâtre de la porte Saint Martin. Mais la censure policière parisienne, qui trouve les danses de la gitane bien trop lascives, va l’interdire de représentations. Reprenant la route, Lola va passer par l’Allemagne puis la Bavière où le 5 septembre 1846, le roi Louis 1er, qui avait, comme toute l’Europe, entendu parler de la belle danseuse, lui accorda une audience particulière. Agé alors de 60 ans, le roi se laissera complètement envoûter par la belle qui va tout de suite comprendre tous les bénéfices qu’elle pourra tirer de son royal amant.


Louis 1er de Bavière


Grâce à lui, elle se produira, dés le 12 octobre suivant, à l’Opéra de Munich. Cependant, les Bavarois, qui détestent ce roi qui les écrase d’impôts et de censure, ne seront pas dupe. Les trois représentations de la maîtresse royale seront toutes copieusement sifflées.
Vexé, Louis 1er lui affirme que, désormais, elle ne dansera que pour lui avant de lui offrir un somptueux hôtel, Furstenried, dans la Barestrass à Munich.

Lola Montés est devenue la reine sans couronne de Bavière, entretenue à grands frais par son royal amant, ce qui mécontentera grandement un peuple qui grondait avant l’arrivée de la courtisane. Devant la montée en puissance du parti libéral et la fragilisation du pouvoir royale, la cour décida de réagir. Ce fut tout d’abord l’archevêque de Munich que l’on envoya près du roi pour lui faire la morale, en vain. Les foudres du ciel ne pesèrent pas bien lourd face aux charmes de la danseuse. Puis ce fut le prince de Metternich qui décida de prendre le taureau par les cornes en envoyant directement le baron von Lantenau chez Lola afin de négocier son départ de Bavière contre une grosse somme d’argent. Le baron fut jeté à la rue sans ménagement par les valets de la belle catin.

Piqué au vif en apprenant l’affront fait à sa maîtresse, le vieux roi va riposter en la dotant du titre de comtesse de Landsfeld. La nouvelle est annoncée au gouvernement par le 1er ministre de Bavière, Charles d’Abel. Ses collègues sont tellement consternés, puis furieux que tout le cabinet va prendre la décision de démissionner.
Très vite c’est la rue qui va manifester son mécontentement jusque sous les fenêtres de l’Irlandaise qui vont être brisées à coups de pavés et ce n’est que grâce à ses domestiques, qui l’en empêchèrent, que Lola ne riposta pas à l’agression en déchargeant ses pistolets dans la foule.


Caricature bavaroise montrant Lola dansant pour le roi


Comme presque tous les étudiants munichois sont dans la rue, le roi va les punir en faisant fermer l’Université pour un an ! Mais lorsque la foule en furie finit par envahir le palais royal, Louis 1er se voit contraint, la mort dans l’âme de céder aux exigences des Bavarois. Malade de chagrin, le vieux monarque signe le bannissement de sa belle qui va quitter la Bavière pour retourner à Londres. Louis abdiquera peu de temps après en faveur de son fils Maximilien.

En Angleterre, Lola décidera de monter une pièce racontant sa propre histoire. Mais la pièce, intitulée Lola Montés, ou la comtesse d’une heure, sera interdite grâce aux pressions de la reine Victoria.
Cette déception ne l’empêchera pas de se trouver un nouveau mari en la personne d’un officier des Life-Guards répondant au nom de George Trafford Heald. Allez savoir pourquoi, la belle Lola était persuadée que son premier époux, Tom James, n’était plus de ce monde. Or l’ex-lieutenant est bien vivant et va même lui intenter un procès pour polygamie. L’issue lui sera favorable et c’est au bras de son nouveau mari qu’elle quittera l’Angleterre pour la France.

Quelques mois plus tard, la passion retombe comme un soufflet et le bel officier demande le divorce. Lola reprend la route et vogue vers New York où elle arrive le 5 décembre 1851. Seulement trois semaines plus tard elle interprétera son propre rôle sur les planches du Brodway Theatre dans Betty la Tyrolienne avant de mener la pièce en Californie en mai 1853 puis en Australie en 1855.

Poitrinaire et sans doute en proie aux regrets venant après une vie si dissolue, c’est à cette période qu’elle va découvrir la foi. De retour aux Etats-Unis elle descendra de scène pour se consacrer toute entière à des œuvres caritatives au sein de l’Eglise Méthodiste. Souffrant de tuberculose, la scandaleuse Lola finira par s’éteindre à l’Asteria Sanatorium de New York le 17 janvier 1861.

Elle n’avait que 43 ans.

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