22 juillet 2006

Chronique d’une nuit d’été en banlieue…



Appel. Deux heures du mat. Son boss : une porte à ouvrir. « Putain tu fais chier ! Où ça ? ». Destination dans la nuit chaude urbaine : les 3000, Aulnay-sous-Bois…


Arrivée sur place. Il gare son camion. Ça sent l’Bronx. Merde, son flingue automatique neuf millimètres non déclaré dort à domicile. Il a bien sa perceuse... Il monte. Deuxième étage. C’est là. Sur le palier, une jeune femme enceinte pleurniche devant une porte.

_ Faut ouvrir ma porte Monsieur.
_ Doucement, doucement, j’arrive, je suis là même. Bonsoir.

Un œil de pro glisse sur la structure de la porte. Porte coupe-feu. Pas de blindage. Serrure basique type « j’te l’ouvre à la clé à molette en deux seconde, montre en main ». Un type descend d’en haut. Louche le gus. Délit d’sale gueule ? Pour le serrurier, y’a pas : ça s’présente correctionnel, c’est comme ça… Son feeling.

LE MUST AU CAS OÙ VOUS AURIEZ OUBLIE LES CLES DE VOTRE VOISIN



_ Ça va chérie ? La vérité, faut l’ouvrir la porte.
_ Asma, doucement, doucement.

Un tilt dans sa tête. Ça sent l’embrouille.

_ Vous êtes bien sûre que vous habitez là Madame ?
_ Oui, Monsieur. Ouvrez ma porte. J’ai oublié mes clés à l’intérieur.

Il se dit : « mouais, c’est d’l’embrouille ça ! Le plan… ». Gagner du temps : deux heures du mat, cité, gens louches. On la lui fait pas au serrurier. Deux ans de placard pour une embrouille à base de balistique dans les g’noux. Des tatouages plein les bras…

_ Faut que je descende au camion. J’ai oublié un outil.

Il descend. Dégaine son portable et tape 17.

_ Allo police ? J’suis serrurier. On me demande d’ouvrir une porte, cité des 3000 à Aulnay. J’le sens pas. Ça pue.
_ Très bien Monsieur, on se met en route.

Il remonte.

_ Okay, vous sauriez pas où y’a une prise dans l’coin pour que je branche ma perceuse ?
_ Si si, là, répond le type.

« Là », c’est le boîtier électrique de la minuterie sur le palier. Tilt, tilt. On n’a pas affaire à un amateur… T’ouvres la boîte. Tu déconnectes la minuterie. T’as plus qu’à te brancher. Squatteur, genre « je rentre et je change les verrous » ou plus simplement, « je rentre, je fais que passer ! Je fais le ménage par le vide et au revoir ! » ? Du bruit à l’étage au-dessus…

_ Euh, j’ai oublié mon stylo dans le camion.
_ Un stylo ? Quel stylo ? J’ai un stylo justement sur moi.
_ Nan, mais ça m’va pas. Il me faut mon stylo, c’est pour la facture. Me faut l’même. Pour éviter les entourloupes.
_ Okay mon frère mais la porte tu l’ouvres. J’te paye en cash si tu veux. Tu veux combien ? 400, 500 ?

Il pense : « Il veut m’acheter » et « Qu’est-ce qu’ils foutent les keufs ? ». Il feinte.

_ Vous voulez me régler en liquide ? Bougez pas, faut que j’appelle mon patron pour voir s’il est d’accord. Je redescends de toute façon chercher mon stylo.

Il redégaine son portable. 17.

_ Allo, c’est le serrurier des 3000, qu’est-ce que vous foutez ?
_ Ne vous inquiétez pas Monsieur : la voiture sera en bas dans une minute.

Il pense : « Pas trop tôt, la putain d’sa mère !

Il remonte. Il se branche et peste :

_ Ahhhh. Fait chier ! C’est l’bordel putain de bordel de sa mère la pute.

La gonzesse en cloque pleur ses larmes de crocodile, le gars louche a sa main sur son ventre, il dit :

_ Vous en avez pour longtemps ?
_ Nan, nan. Faut que je refasse le branchement. Pas de jus là.
_ Je le fais si vous voulez.

Il pense : « Tu m’étonnes ». La perceuse tourne une fois, deux fois dans l’vent. Bien. Il prend son temps pour ajuster la mèche. Des bruits de pas dans l’escalier : les keufs. Il pense : « Il était temps ».

POLICE! VOS PAPIERS CONTRÔLE D'IDENTITE (Police Nationale et NTM...)



_ Bonsoir Messieurs dames, contrôle de police. On nous a appelé pour nous signaler du bruit.

Le mec louche pâlit. La nana aussi. Du bruit en haut dans l’escalier.

_ Vous êtes serrurier Monsieur ?
_ Oui.
_ Votre pièce d’identité je vous prie.
_ Voici.

Ils font semblant. Son collègue contrôle le type. Pas de papiers sur lui. La nana non plus. Deux types se pointent du haut.

_ Qu’est-ce qui s’passe K. ?
_ Police Nationale, bonsoir Monsieur. Contrôle d’identité.

Son collègue prend son talkie. Renforts appelés. Ils débarquent dans la minute. Tout le monde remonte au quatrième. La voisine d’en face ouvre timidement sa porte. Elle regardait depuis le début par son judas. Elle a appelé les flics aussi. Elle a le numéro de la « vraie » locataire. Elle est en vacances à Nice. Bien.

Resté avec l’un des policiers, le serrurier regarde vers le bruit qui descend de l’escalier d’en haut. Un mec. Deux mecs. Trois mecs. Quatre mecs. Cinq mecs. Six mecs. Une gonzesse enceinte. Un point commun : tous ont des menottes aux poignets. Le serrurier pense : « Le truc de ouf mon frère ! ». Tout le monde part direction le panier à salade. Garde à vous pour la garde à vue ! Le policier dit au serrurier :

_ Merci.
_ Pas de quoi.
_ L’instinct ?
_ Ouais : j’habite place du colonel Fabien dans l’dixième…
_ Heureusement, sinon l’effraction c’était pour vous. C’est vous le spécialiste de la cambriole.
_ Je sais, je sais. En vrai la porte, j’te la fais tomber en deux secondes et sans bruit.
_ Oui, ça n’a pas l’air bien costaud.
_ Y’a rien qui soit inviolable. Mais un cambrioleur peut pas passer sa nuit sur un palier. Bonne nuit.
_ Merci, vous aussi.

LA SERRURE MULTI-POINTS : VOTRE MEILLEURE AMIE



Retour au camion. Clés. Néman. Contact. Phares. Il suit ses lumières : sa clé, son passe pour l’honnêteté.

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