19 mars 2011

Presse' Culture

Nous espérons toujours trouver quelque chose à nous mettre sous la dent en ouvrant un magazine comme TGV, les Inrocks, ou n’importe quel journal qui nous raconte la vie culturelle, musicale, cinématographique… Nous savons pourtant pertinemment qu’ils sont vides et qu’il n’y a rien à en attendre, mais c’est tout le brio de la presse de spectacle : renouveler perpétuellement l’espoir puis le décevoir.

Chaque fois que nous ouvrons ces feuilles, nous sommes ainsi frappés de découvrir qu’il y a très peu à dire : rien de substantiel sinon le perpétuel renouvellement des supports : livres, films, disques, concerts, artistes, personnalités… Le fond, lui, est toujours le même. Les comédiens se succèdent pour expliquer toujours la même histoire : que petits déjà, ils chantaient devant la glace ou aux repas de famille. Qu’enfants ils détestaient l’école. Que leurs parents les voulaient médecin mais que pour eux il n’en était pas question… Les groupes de rock se succèdent pour faire la même sempiternelle photo de mecs en noir qui font la gueule devant un entrepôt désaffecté.


« [Machin] : le groupe du siècle ! »


Et curieusement, cette répétition ne lasse personne : les lecteurs continuent de lire, les journaux de raconter, d’imprimer, d’interviewer, et les interviewés eux-mêmes, de jouer le jeu sans se déconcerter. Comme si de rien n’était, rockeurs et comédiens répondent aux questions, prennent la pose, font des déclarations, comme si cela n’avait pas été fait et refait, dit et redit, écrit et réécrit des milliers de fois. A croire qu’ils ne lisent pas les magazines ! Sans quoi ils sentiraient le ridicule, finiraient par craindre de barber les gens, ou bien ils réprimeraient un sourire quand ces phrases sortent de leur bouche et qu’ils s’entendent par exemple expliquer – encore et encore ! - qu’ils « n’ont pas de plan de carrière », qu’ils préfèrent « marcher à l’intuition », qu’ils détestent les étiquettes avec lesquelles on essaie de les cataloguer… Ils ne prendraient pas l’air si fin en affirmant que « la naissance de leur premier enfant a tout changé » comme si c’était une chose que les gens ne peuvent pas s’imaginer. Ou que « la politique ne les intéresse pas » mais qu’il « faudrait faire bouger les choses »… Et aucun critique n’aurait plus l’idée d’écrire des choses comme « entre pop acidulée et ballades lancinantes, [Machin] nous promène à travers un univers bien à lui, avec un goût évident pour l’expérimentation. Attention talent ! »

Il ne serait pas si long de faire l’inventaire de ces lieux communs, et ce serait à vrai dire une entreprise journalistique intéressante. Ressortir quelques années d’archives de magazines musicaux ou culturels, brasser et rassembler l’intégralité des propos, mettre bout à bout les interviews et les critiques, sur une grande page… Et dresser des tableaux, des schémas avec des flèches, faire des boîtes et des catégories pour ces interviewés qui n’entrent pas dans les cases… pour se rendre compte qu’il y a finalement peu de choses à apprendre. Toujours les mêmes, dites plus ou moins bien, plus ou moins intelligemment, par les générations de starlettes qui se succèdent. On compilerait tout ça dans un rapport, on le lirait une bonne fois pour toutes et on serait vacciné à vie de tout ce papier glacé. A la place on lirait des livres, et on écouterait de la musique.

19 commentaires:

  1. Très bonne description mais je me pose la question suivante:

    Qui lit encore ces trucs? Je ne connais personne qui lit encore des magazines en 2011, pas plus que je connais des gens qui achètent encore des journaux. A l'exception de la presse féminine évidemment.

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  2. ... le ciel t'aidera19 mars 2011 à 09:05

    Ouvrir ces revues, c'est un peu comme de rentrer dans une boutique Nespresso. On s'en veut toute une vie et on le fait savoir

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  3. Jusqu'a fin mars un hipster Pod est offert à chaque abonnement aux Inrock & Telerama.

    http://www.youtube.com/watch?v=MuyuMXCk0Es

    "Sonic Youth? No one really likes that crap !"

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  4. La jeunesse a une telle puissance de désir que sa soif ne se tarit qu'après quelques coups dans la gueule de la part de la vie.
    D'où l'importance d'infantiliser la population... meilleur consommateur-citoyen parce qu'il se rapproche des capacités de désir des enfants. L'adulescent est le nouvel homme postmoderne/néolibéral, donc l'homme culture-monde, assoiffé de mainstreams, d'iPad 69, de Nike ta race et d'achats de « Packs » quel que soit le produit. C’est le résidu de 68 qui à 60 ans n’a jamais pris la peine d’écouter une œuvre de musique classique, parce qu’il en est resté aux Beatles et aux Stones (qui sont ma foi des cadors, mais à 60 balais, putain, on passe à autre chose) ou celui qui a acheté des livres aux titres ardus, et garnir sa minuscule bibliothèque Ikea, pour ne pas passer pour l’inculte qu’il est et y receler les lettres de sa jeune maitresse de 57 ans qui aime James Blunt, parce qu’il dit l’essentiel de la vie, « l’amour absolu ».

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  5. Très bon !
    Comme ça a déjà été fait pour les discours politiques, on s'amuserait facilement à pondre un outil de production automatique de critique musicale/artistique/cinématographique.
    On donnerait quelques phrases et expressions clés, comme tu as si drôlement commencé à le faire, et on n'aurait plus qu'à mélanger à sa guise pour produire des articles indéfiniment.

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  6. Ca marche aussi avec Zemmour qui répète sans cesse "Et vous le savez très bien" ou "ça fait 30 ans que [ceci ou cela]"

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  7. J'ai jamais trop su pourquoi je lisais le CGB, mais on s'y retrouve tellement dans ce truc.

    Menfinbref, moi qui n'ai jamais pu blairer les critiques musicales ou la radio, je me retrouve à un point où soit j'me tape l'écoute des top charts pour essayer de découvrir le nouveau connard de la chanson qui m'intéressera, soit je me bloque et ne découvre plus de musique, ce qui m'emmerde tout autant.
    Donc si quelqu'un a un plan pour découvrir intelligemment de la musique, je prends.

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  8. Je vais sur youtube et j'me dis " aujourd'hui, c'est jazz (ou rock ou classique, etc.)". Je tombe sur des vidéos qui me renvoie sur d'autres vidéos (sur la colonne de droite). C'est ainsi que je découvre de vieux ou nouveaux artistes petit à petit. Ensuite, je cherche leurs discographies en MP3 et puis j'achète leurs meilleurs albums. C'est comme ça que je m'y prends maintenant. En ce moment, je suis très Rock Garage.

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  9. @Anus sidérant : Je ne connais pas l'état des ventes mais j'ai le sentiment que les magazines restent tout de même assez prisés. Pour ce qui concerne la presse rock, je pense tout de même que le lectorat ne doit pas déborder une fourchette de 15 à 23 ans, du moins j'ose l'espérer. Car à la fin, ce n'est pas tant l'existence en soi de ces magazines qui me chiffonne que leur pauvreté de fond, pour des journaux soi-disant spécialisés. Que peut-on y apprendre, sinon des anecdotes ? Qu'on soit resté un rockeur passionné à 60 ans, avec perfecto et bagouses, admettons, mais comment peut-on encore trouver son compte dans ces revues, qui ne vont finalement pas parler de musique mais d'anecdotes de chanteurs, de modes musicales, de classements des meilleurs groupes de la décennie...

    @Anonyme : Ah non ! On ne touche pas à Sonic Youth !

    @BEBOPER : ça existe pour les titres de romans et c'est assez drôle : http://www.omerpesquer.info/untitre/

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  10. @Leva : il faut reconnaître qu'avec des a priori comme les miens, on ne découvre pas grand chose ! N'étant pas non plus un consommateur effréné de musique, je me contente presque de ce que je connais déjà, ou bien je "découvre" des choses déjà bien datées (tenez, j'ai "découvert" l'année dernière un petit groupe prometteur appelé "LedZeppelin"), en remontant la piste des influences : écouter les noms associés aux artistes qu'on connait et qu'on aime.
    En somme, très peu de neuf. Mais je n'ai pas souvenir de toute façon d'avoir jamais "découvert" quelque chose par un magazine. Il y a le bouche-à-oreilles et le conseil des amis, ou aussi les achats impulsifs : écouter rapidement ce qui est en écoute dans les magasins et acheter ce qui a accroché. Et voilà.

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  11. Quel article de vieux con. Ta dernière tisane n'était pas assez aromatisée ? Vote Chaise et Corde 2012, tu verras, c'est la voie de l'avenir.

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  12. Voilà qui est bien vu et efficacement résumé: une exécution parfaite en 3 paragraphes. Dans le genre ce texte de Leroy est pas mal non plus:

    http://www.causeur.fr/les-inrocks-amnesiques-et-complotistes,6182

    Je me rappelle le pseudo snobisme de mes 18 ans, lorsque en tant que lycéen un peu "intello" j'ai essaye de trouver autre chose que de la culture de masse basique pour en fait tomber dans l'anticonformisme balisé de ce canard de la rebellitude branchouille. J'ai définitivement perdu toute considération pour lui lorsque Kaganski avait écrit qu'Amélie Poulain était un film profondément pétainiste!
    Il n'en demeure pas moins que certains groupes découverts par le biais des Inrocks restent parmi mes références (Pixies forever!), mais il faut faire le tri... comme pour tout finalement. Bref, les Inrocks c'est bien, à condition d'en sortir.

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  13. En France un mot charmant remplace avantageusement "hipster", c'est "cuistre". Dans le cas des "inrocks", ça devient même un méta-concept englobant journalistes, interviewés, annonceurs, journal etc..

    Vous reprendrez bien un peu de pub pour lunettes épaisses en plastoc noir?

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  14. Paracelse, dans votre quête de bon vieux rock, je vous recommande chaudement les compils nuggets :
    http://www.amazon.fr/All-Artyfacts-1st-Psychedelic-Era/dp/B00000AFWZ/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1300639600&sr=8-1

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Nuggets_%28compilations%29

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  15. Merci,Daubeule you !
    Je ne connaissais pas.

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  16. Je ne suis pas le seul à avoir remarqué ce phénomène. Ouf.

    Remarquez, c'est kiff-kiff en politique depuis 40 ans. C'est pareil partout. Zéro créativité, car quand tout est "nouveau" ou "révolutionnaire", rien ne l'est. Les meilleurs groupes actuels ne font que du recyclage, autant en avoir conscience. A moins que ce soit l'age qui avance et qui me fait comprendre que rien ne se crée, rien ne disparait, tout se transfome(ers).

    On croit qu'on avance alors qu'on tourne en rond. De plus en plus vite.
    Et on s'enfonce en croyant qu'on va arriver quelque part.
    Quelque part en enfer, sans doute.

    Séb

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  17. un peu comme la réacosphère, institution désormais.

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  18. Et que dire de la presse "sportive" !!

    Environ 250 mots et locutions formatées, et le tour est joué : on peut écrire des articles sur n'importe quel sport pendant mille ans.

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  19. kobus van cleef21 mars 2011 à 21:31

    vous espérez trouver quelque chose dans les inrocks ou tgv magazine ?
    ha ha !
    ho putain , la crise !
    vous avez peur de rien , vous alors !
    j'ai bien rigolé

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