2 novembre 2009

Raffarinades & francocacophonie


On se souvient de Gengis Khan, on se souvient de la guerre de cent ans, on se souvient de la peste et de la révolution française. D’une manière générale, donc, on se souvient des événements gigantesques, des épopées sanglantes et des grandes douleurs. C’est à ce dernier titre que nous n’oublierons jamais Jean-Pierre Raffarin.
Jean-Pierre Raffarin vient d’être nommé représentant personnel du président de la République auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Dans cette annonce, l’oxymore douloureux est évidemment composé des mots Raffarin et francophonie. Je ne sais pas précisément quels sont les pouvoirs d’un représentant personnel du président de la République française dans ce machin francophone, mais je peux imaginer qu’il n’est pas là uniquement pour beurrer les sandwichs.
Evidemment, Jean-Pierre Raffarin parle français. C’était probablement le minimum exigé pour le poste. Quand il parle, son français sonne comme un épouvantable baragouin pour une raison limpide : parce que c’en est un. Chaque français ayant eu son brevet, même le brevet « au rabais » dont on nous parle, sait reconnaître entre mille Jean-Pierre Raffarin quand il cause dans le poste. Le bafouillis poussif, la grammaire pantelante, les liaisons mal-t-à propos, l’imprécision des images, le grotesque des métaphores, la pauvreté inouïe de la syntaxe, l’impayable ridicule des envolées lyriques, la fausseté du jeu d’acteur, la déliquescence générale : c’est du Raffarin. Il a inventé un style : ses platitudes atteignent des sommets. Avant que Sarkozy ne devienne l’homme omniprésent qu’il est aujourd’hui, nous n’avions que Jean-Pierre Raffarin pour exceller dans l’attentat linguistique. Il bardait son imposante bedaine de calembours, paraissait en public et dégoupillait ses grenades grammaticales à la face du monde. Dans la longue lignée des dirigeants ridicules, Jean-Pierre Raffarin est le seul premier ministre à avoir sciemment gouverné en faisant des blagues. La politique de l’histoire drôle, c’est lui ! Il a fait entrer le coussin péteur à Matignon. Avec sa dent dure, Guy Debord a eu beau théoriser sur le spectacle, sur la dégénérescence de la politique, il n’aurait jamais imaginé qu’elle puisse si vite devenir un sous-produit des Grosses Têtes. A coups de « notre route est droite, mais la pente est forte », de « win the yes need the no to win again the no », de « la route, elle est faite pour bouger, pas pour mourir », de « si on met la voiture France à l'envers, nous n'aurons plus la capacité de rebondir », Jean-Pierre Raffarin a subjugué la France et atterré les Français. Mais il faut reconnaître que malgré son insondable médiocrité, il est battu chaque jour par son Président préféré. Le cancre a dépassé le guide. Compte tenu des acteurs en présence, on peut sérieusement envisager que Nicolas Sarkozy n’ait pas du tout conscience du niveau de français de son "représentant personnel". Lui qui bricole des phrases à coups de « j’vais vous dire » et de « moi c’que j’vois » trouve probablement très châtié le langage d’épicier du Ronsard du Poitou. On en est là. Au final, il est parfaitement cohérent que ce Président de la République-là nomme cet ancien premier ministre-là à ce poste-ci. Ils sont si semblables. Et puis, en matière de culture, ils ont Johnny Hallyday en commun.


Finalement, tout est affaire de symbole. Que Raffarin esquinte la syntaxe sur les cinq continents ne changera pas grand-chose au sort du français dans le monde. Mais à une époque qui semble si obsédée par son image, il aurait été judicieux qu’on se penche sur celle que donneront balourdise et absence de surmoi réunies en un seul homme, le catastrophique Jean-Pierre Raffarin. Oh, on n’avait pas besoin d’un manieur d’imparfait du subjonctif pour que le prestige de notre langue demeurât au niveau faible que l’on constate. Il n’était pas forcément nécessaire de ressortir un agrégé de lettres de derrière les fagots pour aller vanter ailleurs une langue qu’on ne parle plus ici. Mais l’idée que des populations étrangères et néanmoins francophones entendent Raffarin leur servir une phrase du style « le français est la langue importante des gens qui n’ont que ça », ça me fait regretter de ne pouvoir changer de langue maternelle.


11 commentaires:

  1. taxeur professionel2 novembre 2009 à 15:08

    la photo est bien ! Un rapport avec ça ?
    http://www.culturalgangbang.com/2009/10/femmes-modernes.html

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  2. http://royalartillerie.blogspot.com/2009/11/partir-taxer.html
    "Et c'est son drame à M. Raffarin. Il ne sert à rien ; personne ne lui a confié de commission d'envergure. Il n'est pas parti à Cuba, ni à P'yongyang, n'a pas fait de savants calculs sur l'emprunt massif comme Rocard, et fut laissé en panne dans la réforme ottomane des institutions territoriales. Si ! On l'a envoyé porter hommage et foi du Sarkoland à Pékin en compagnie du vénérable Giscard d'Estaing.
    Le pouvoir le laisse à sa médiocrité. Et ça lui est insupportable."

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  3. Lamentable.
    Il faudrait déjà avoir conscience de la profondeur de la question du sens avant de poster ce genre d'articles.

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  4. Non, Taxeur pro, pas de rapport avec "ça"...
    Babouche, hé ben, vas-y, balances ce que tu sais de la question profonde du sens...
    Qu'on voit de quoi tu causes.

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  5. Il y a une biologie complexe face à ces moments où l'on a tort ou raison, Beboper.

    Tout ce que je peux vous dire c'est que l'eau trouble en amont a peu de chances d'être claire en aval.

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  6. Raffarin c'est mon poulain, alors pas touche! Je garde encore un souvenir ému de son apparition au Grand Journal de Canal + en compagnie du fondateur des Enfants de Don Quichotte, qui se plaignait de la misère des SDF, de l'apathie des pouvoirs publics et de l'eau qui mouille; lorsque JP, dans un élan mémorable, nous la joua à la Restif de la Bretonne en nous confiant sous les huées du public se promener nuitamment et incognito dans les quartiers glauques de Paris afin, je cite, de "prendre conscience de la misère des français".

    Si le public avait disposé de projectiles à ce moment-là, notre bon Jean-Pierre ne serait plus en mesure de nous amuser aujourd'hui.

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  7. "Tout ce que je peux vous dire c'est que l'eau trouble en amont a peu de chances d'être claire en aval."
    J'aime ces formules.
    ça aurait pu être aussi:
    l'eau trouble qu'on avale peut vous dire que c'est l'amont clair qui a peu de chances d'être tout ce que je.
    ou encore
    Trouble tout ce que je peux être a peu d'eau claire qui vous chances d'aval en l'amont c'est dire.

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  8. @Bebop

    Clair qu'elles sont belles ses raffarinades ! Ceci dit il y subsiste encore un peu de sens, on est une fois de plus à la traîne des ricains qui ont eux expérimentés les busheries à haut niveau pendant une décennie ; rien à voir avec nos déclarations mi-molettes de franchouillards verbeux, chez eux c'est du lourd.

    "Les hommes et les poissons peuvent coexister pacifiquement."
    Bushissime.

    @Serpico

    Ça doit faire un sale effet de croiser Raffarin incognito dans les quartiers nord de Paname à 3h du mat'... Y'a des témoins encore vivants pour en parler ?

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  9. Raffarin (...) confiant sous les huées du public se promener nuitamment et incognito dans les quartiers glauques de Paris afin, je cite, de "prendre conscience de la misère des français".

    Formidaaable ! Aaah le public. Aaaah les Bossus ! Aaaah la politique ! Qu'elle est belle la France ! Tout, même la taxe professionnelle, nous réconcilie avec elle ! Viens là que je te....

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  10. @ Babouche: 26 témoins... tous employés par France Telecom... vous avez dit bizarre ?

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