2 août 2009

L.A. party


Le livret A voit son taux de rémunération passer à 1,25%, soit, son niveau le plus bas depuis sa création en 1818. Dire qu’il y a un an, jour pour jour, il générait quelques 4 % d’intérêts net d’impôts, outil d’épargne de base le plus rémunérateur sur le marché bancaire, ce qui était cela dit déjà vrai avec un taux de rémunération à hauteur de 3 %... La défiscalisation camarade ! La défiscalisation… Aujourd’hui, les cacahouètes sont désormais net d’impôts… Mais haut les cœurs, car le Livret A aurait dû tomber à 0,25 % ! En effet, depuis 2003, un mode d’ajustement automatique (moyenne entre l'inflation et les taux d'intérêt Eonia et Euribor, taux auxquels les banques se prêtent de l'argent) a été créé pour dépolitiser les « attouchements » au « placement préféré des français ». Comme si cette formule mathématique, par son seul caractère technique, pouvait suffire à emporter une adhésion généralisée résignée, ralliée à la fatalité… Haut le cœur… Heureusement, Christine Lagarde, avec toute la chaleur qui la caractérise, nous rassura d’emblée à la mi-juillet, lors de l’annonce officielle de la 4ème baisse du taux de rémunération du Livret A en un an : « Descendre à 0,25% n'aurait pas été raisonnable (...) compte tenu de la nécessité de bien rémunérer l'épargne des Français par le biais du Livret A »… Ouf ouf ouf hourra… La bonne mère Lagarde ! Les citoyens ne fatiguent-ils pas de crever d’être ainsi sauvés ?...


Epargne Livret A : mendicité agressive ?


Ah, la bonne vieille recette de l’effet d’annonce catastrophique… On appelle ça une négociation. Quand vous partez de très très très bas, vous avez toutes les chances de faire céder votre adversaire à un niveau très bas, trop bas, selon des critères de justice objectifs. Une technique élémentaire estampillée « Les dix techniques pour faire de vous le roi des enculman ». « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même et tu pourras sans risque livrer cent batailles », l’Art de la guerre selon Sun Tsu. J’ajouterais : « de la même manière », cent batailles de la même manière… Cent batailles de cette même manière : « Faire monter ton ennemi sur le toit et retirer l’échelle », 28ème stratagème de l’école des Hongmen.
Bien sûr, cette plongée du taux de rémunération du Livret A en eaux profondes, dans les abysses historiques de la Restauration, est plus que regrettable… Cependant, nous sommes a priori habitués aux fluctuations de notre « placement préféré » et elles n’ont jamais véritablement impacté sur son succès. De plus, quand on a connu le franc et le passage à l’euro, on est finalement capable de tout encaisser. Encaisser, encaisser, façon de parler. Décaisser ?


Res publica finalement...


Le réel intérêt du Livret A n’a jamais résidé en son taux de rémunération. Et, n’en déplaise aux membres du collectif « Touche pas à mon Livret A », il n’a jamais non plus résidé en son caractère « social »… Le Livret A, c’est le vieux bas de laine à papa ! Nostalgie ou psychologie des contes : on a tous un côté Tit’ Vendeuse d’Allumettes… Comme on fait son nid, on se couche ! Ouvrir un Livret A, le gaver jusqu’au plafond, c’est un peu comme votre vieille grand-mère qui trouvait plus confortable de dormir sur ses fafiots que sur des ressorts anonymes… Naturellement, avec le livret A, finies les histoires d’héritage pourrissant dans leurs matelas poisseux d’urine au fin fond des décharges publiques communales… Certes, il y a encore des mamies indécrottables... Le Livret A n’a jamais été de l’épargne. Le Livret A, ça a toujours été de la thésaurisation.


Le Livret A : épargnons-nous cette peine ?


La vraie séduction du Livret A, c’est donc son caractère sécuritaire (sa collecte est sécurisée par l’Etat ; les fonds sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations ; ils sont dédiés au financement de missions d’intérêt général ; bon, beaucoup de changements depuis la loi de Modernisation de l’économie de 2008, mais l’esprit originel tient encore…). Les 50 millions de Livret A vérifient l’hypothèse nietzschéenne « Ce sens de la vérité de l’homme, qui n’est au fond qu’un sens de la sécurité » ; leur nombre colossal, presque un par tête de pipe, n’est pas une réponse à l’axiome guizotiste « Enrichissez-vous ! » A moins que… A moins que s’enrichir de nos jours ait plus trait au fait de ne pas perdre d’argent qu’à en gagner. Le Livret A : une martingale pour joueur gagne petit… On joue à qui ne perd pas gagne !


Machine à sous...


Au plus fort de la crise financière, les français ne se trompèrent d’ailleurs pas d’arche de Noé. Sauver les euros, un minimum de 15 300, passa donc par un repli sur le Livret A. Au 31 décembre 2008, son encourt avait progressé de 18,7 milliards. Le montant total de la collecte ? 139,2 milliards d’euros. Il fallait décidément que cela cesse…


Quelle chance ! Pas nous...


Partout où y’a du cash, ben y’a du blé à prendre. Partout où y’a de l’oseille mûre, ben y’a du braqueur qui se trouve d’un coup toutes les qualités d’un bon moissonneur…
Souvenez-vous : novembre 2008, les banques qui rentraient du profit à 9 chiffres étaient aux abois… Les chiens déchiquetaient du Kerviel, en appelaient à la moralisation des marchés financiers et voyaient de l’OPA partout. Le scénario était bien huilé. La générale s’était déroulée dans la plus parfaite discrétion. Les politiques jouèrent les commandos christiques : ils multiplièrent les cadeaux façon main de velours dans un gant de fer, firent pleuvoir de l’argent blanchi par le biais d’une rhétorique fataliste, enfantèrent un Eros ad hoc, fils de Poros, l’Expédient et de Pénia, le Manque, « ce qu’on n’est pas (honnête ?), ce qu’on n’a pas (la thune), ce dont on manque (la morale ?) » L’hydre ne leur avait pas laissé le choix… Les bourreaux devenaient une fois de plus les victimes à comprendre et aider.


Mon banquier...


Le chantier d’un viaduc financier fut alors décidé : il fallait réaffecter temporairement l’argent du Livret A au renflouement des banquiers. Le temps se mit au froid polaire… De derrière son regard de glace, Christine Lagarde envoya du lourd : « Ce n’est pas du tout un cadeau fait aux banques »… Le logement social attendrait, avec comme principal tapin, le collectif « Touche pas à mon livret A », excroissance médiatique opportune de l’inénarrable association DAL (Droit au logement). Surtout, quand on fait son biz dans le social, toujours se préserver de défendre les petites mules populaires : trop petit bourgeois, isn’t it ? Comme si les Français ouvraient du Livret A par pure préoccupation sociale… Comme s’ils ne savaient pas que ces logements sociaux n’étaient que du vent, qu’ils n’en verraient jamais la couleur et que la construction de ces derniers n’impacterait en plus jamais le marché réel de l’immobilier à la baisse. Au contraire, bien au contraire…


Logement social...


Dans le même temps, au 1er janvier 2009, on généralisa le Livret A à toute banque. La date où la Banque postale devint une banque comme les autres ? Non, non, rassurez-vous : elle bénéficie encore d’un surcommissionnement pour le prétexte fallacieux d’assurer une mission d’« accessibilité bancaire »… Le 1er janvier 2009, la date des prémisses de l’opération euthanasie du Service public appliquée à la Poste ?…


L'écureuil : "Vous voulez mes glands ? Prenez-les !"


La banalisation du Livret A… Quelle recette plus efficace pour permettre aux banquiers de récupérer cash des liquidités et centraliser les fonds de leurs clients ? Quelle recette plus efficace pour réduire le nombre d’interlocuteurs financiers ? Prise d’otage. Merci à la Commission européenne qui enjoignit la France, courant 2007, d’ouvrir le marché du Livret A à la concurrence…
Avec ses baisses dérogatoires successives, quelle recette plus efficace pour que les Français finissent enfin par désavouer leur placement de prédilection, surtout dans un contexte où la Bourse, après avoir touché le fond, ne peut plus a priori que remonter. Le périmètre est sécurisé, et la fosse septique, n’a-t-elle pas été assainie ?…


Le marché financier, après assainissement


Les résultats sont là : 5 millions de Livrets A ont été ouverts dans les banques depuis janvier 2009 et on constate d’ores et déjà un déplacement conséquent d’actifs vers les assurances vie, les plans épargne logements et les actions. Un véritable Banquier-ton…


Christine Lagarde, le 9 avril dernier au Point-virgule


Nous laisserons le bon mot de la fin à Christine « Frigo » Lagarde, qui déclara sans ciller, le 9 avril dernier, suite à une amputation de 0,75 % du taux de rémunération du Livret A : « Cette baisse est très clairement un gain net pour les épargnants par rapport au taux d'inflation »… Naturellement, avec un taux à 1,25 %, vous trouvez encore des gugusses prêts à vous soutenir en choeur que le Livret A reste un placement très attractif. En général gras et cravatés, ils vous diront que la rémunération du Livret A a un taux bien supérieur à celui de l’inflation, actuellement à 0,6%, et donc au « coût de la vie », cette vie, la putain de nôtre, dans laquelle une baguette de pain coûte 7 francs...

5 commentaires:

  1. Sur mon livret A (caisse d'épargne), j'ai réussi à économiser 3600 € en deux ans (mille balles par moi). Peux pas plus.
    Bon article !

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  2. Grrr, Christine Lagarde!
    Nan mais qu'est-ce qu'elle y connait celle là à l'économie réelle et à la finance moderne?
    Je vais vous le dire: rien, cette truie ne sait rien et petit bonus, elle a vraiment pas l'air d'y comprendre grand chose (pourtant c'est son job, mais bon...)

    Alors pourquoi est-elle ministre? Pourquoi elle? Je me suis posé la question, et je pense que la réponse est simple: elle parle parfaitement l'USA.
    Ben ouais, ancienne avocate New-Yorkaise (catin), sarko s'est dit: "Economie? Alors les plus forts c'est les Américains, mettons une connasse qui saura discuter avec eux!"
    Manque de bol, la conjecture ne semble pas lui être très favorable...

    Le culot suprême, c'est quand même de prétendre que pour l'instant, la France a moins pris le tarif que certains autres grands pays grâce au super travail de nos politiques! Aucune honte a balancer cet argument, alors que ce qui nous a (plus ou moins) préservé c'est notre modèle singulier (en opposition à celui anglo-saxon). Ce modèle même que Sarko voulait réduire en morceau afin de pouvoir s'aligner comme le chien qu'il est derrière la politique monétaire de l'empire.

    « Cette baisse est très clairement un gain net pour les épargnants par rapport au taux d'inflation »

    Je me meurs...Mais c'est juste impensable de balancer des trucs comme ça! C'est vraiment la preuve de sa stupidité de petite bourgeoise qui n'a aucun scrupule à colporter des inepties de cette taille!

    Petit Calcul pour voir un peu les ordres de grandeurs:
    - Si sur 10 ans, les prix ont doublé (+100%), ça correspond à un taux de 7% d'inflation par an!
    - Si l'inflation est de 1.25% par an, sur 10ans les prix ont augmenté de 13%.

    Si on se refaire au prix de la baguette de pain depuis 10ans, on voit bien qu'à ce niveau là ce n'est même plus de la malhonnêteté !

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  3. Pas refaire, mais réfère...

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  4. -0,25% sur le taux de depot!!!
    http://globaleconomicanalysis.blogspot.com/2009/07/sweden-cuts-deposit-rate-to-negative-25.html

    Plein de bonnes infos eco:
    http://lachute.over-blog.com/
    http://www.jovanovic.com/blog.htm

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