7 avril 2008

Domestique, un métier d'avenir

Le chômage est en baisse. Une des raisons de cette amélioration relève de la solidarité entre les citoyens de notre pays. En effet, la moitié des créations d’emploi depuis un an sont dues au développement des services à la personne*. Tableau idyllique qu'il convient tout de même d'examiner de plus près. Les trois-quarts de ces emplois sont en effet à temps partiels et ceux qui procèdent de créations de petites entreprises dans lesquelles les moyens de productions appartiennent aux salariés (des personnes qui se mettent à leur compte) sont en baisse au détriment de plus grands groupes qui embauchent les personnels. La prétendue solidarité en prend un petit coup. En fait, on peut même se demander si en lieu et place de cette solidarité, on est pas en train d’assister à une expansion d’emplois de domestiques intérimaires et à l’accaparement du secteur des services à la personne par des grands groupes privés.

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Une formation dès le plus jeune âge a été mise en place

Car que sont au juste ces services à la personne ? Les principales activités sont le ménage, le repassage, la garde d’enfant, le jardinage et sont souvent assumées par des femmes en situation précaire. Qu’on les appelle aides à domicile ne change rien au fait que ces personnes sont ce qu’on appelait autrefois des bonnes à tout faire. Alors rien de nouveau dans tout ça ? Détrompez-vous. Ce développement des services à la personne, encadré et institutionnalisé, apporte beaucoup d’avantages…aux employeurs ! Les consommateurs de ces services bénéficient en effet d’exonérations fiscales dont le manque à gagner pour l’Etat qu’elles génèrent est comblé par l’augmentation d’autres taxes et d’autres impôts qui touchent tous les salariés et y compris donc les employés qui produisent ces services. Ainsi, une fois de plus, c’est bien l’employeur-consommateur ou le marchand qui s’empare du marché qui est gagnant tandis que le travailleur-producteur ne voit lui en rien sa situation changer.

tpc_cosette_lg Grâce au génie de monsieur Borloo**, les particuliers-employeurs de la classe moyenne et moyenne supérieure qui jusqu’ici ne pouvaient pas facilement exercer leur bonté naturelle, car embaucher des domestiques était trop cher et trop compliqué, peuvent désormais faire de bonnes œuvres avec la satisfaction de faire baisser le chômage. Les laudateurs de cette réforme clament que cette normalisation bénéficie à un secteur soumis jusqu’ici à de dramatiques cas d’exploitation, de travail au noir, et de nous ressortir ainsi des situations extrêmes de quasi esclavagisme pour justifier ces mesures. Seulement, on ne voit pas bien en quoi les avantages fiscaux concédés aux employeurs et un contrôle administratif dans ce secteur pourraient empêcher les dérives. Dans des secteurs comme l’hôtellerie ou la restauration qui sont depuis longtemps soumis à des règles et à des contrôles, on ne voit pas une diminution des situations de travail illégales. La dénomination services à la personne doit donc bien s’entendre comme « services aux employeurs et aux marchands de services ». Mais les zélateurs de ce système n’en démordent pas allant jusqu’à affirmer qu’à terme 90% des citoyens auront recours à ces services. Simplement dans un système d’échange uniquement basé sur l’argent on ne voit pas bien comment les travailleurs intérimaires qui assument ces services pourront à leur tour profiter de ces mêmes services à moins de descendre d’un degré dans la hiérarchie de la rémunération salariale et avoir recours à des prestataires proches de l’esclave bénévole. En effet : qui rendra service à ceux qui rendent service et qui n’ont pas les moyens de payer ? Nous ne sommes pas ici dans une logique d’entraide et de solidarité mais bien dans la logique monétarisée du capitalisme, c’est-à-dire l’exploitation et la soumission par l’argent, ce que devait précisément éradiquer ce développement et cette normalisation du secteur des services à la personne. Tout ça c’est donc du vent parce que ça ne sort pas de la logique financière du capitalisme dans laquelle l’argent est un moyen de domination et un facteur d’inégalités sociales.

La vraie solidarité c’est la justice dans l’échange, c’est la possibilité pour tous ceux qui en ont besoin d’accéder à ces fameux services à la personne. Et c’est effectivement formidable de développer ces services qui s’adressent notamment aux personnes fragilisées (handicapés, personnes âgées…). On n’oublie simplement d’ajouter que ces personnes se doivent aussi d’être riches pour pouvoir en profiter. Et c’est le cas plus que jamais lorsqu’on sait que les aides qui leurs sont attribuées tendent à diminuer chaque année. Ainsi, que ce soit chez les prestataires ou chez les potentiels destinataires, ces mesures font encore et toujours des exclus. Cet encadrement des services à la personne est en fait une main mise du capitalisme sur un secteur qui potentiellement pourrait échapper à sa logique de rentabilité, soit par l’encouragement de logiques d’entraides locales ou par l’existence d’un service public spécifique. Voilà pourquoi il était temps pour le Marché de s’emparer de ce secteur pour le marchandiser et le surmonétariser afin d’en faire un outil supplémentaire dans le processus d’endettement des uns au profit de l’enrichissement des autres, avec l’exclusion que cette logique génère. Le Marché ne peut tolérer qu’on fonctionne hors de son cadre, notamment avec le recours à des modèles archaïques ou traditionnels d’échange. Car c’est bien dans ce secteur des services à la personne qu’il serait encore possible de se détourner de la logique de surproduction et de gaspillage du capitalisme. Des solutions existent avec notamment les systèmes d’autofinancement collectif et de mutualisation des services dans lesquels tout le monde donne, tout le monde produit. Ce sont des systèmes autrement plus moraux et justes que celui dans lequel des privilégiés extorquent ce que d’autres produisent. Ce sont également des systèmes autrement plus productifs en matière de lien social et autrement plus soucieux de l’intérêt général, éléments qui ne sont malheureusement pas pris en compte dans le calcul du PIB. Quant à la question du travail clandestin, il est faux de prétendre qu’un système local comme les SEL, basé sur la réciprocité, le favoriserait puisqu’en soi ce système se charge de redistribuer les richesses produites. On peut même aller jusqu’à dire qu’il fait localement ce que ne fait plus nationalement l’Etat quand celui-ci ne fait que démanteler le Service Public, lui ôtant de fait sa fonction redistributive et sa contribution à la justice sociale.

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high tech et polyvalence : les clés de la réussite dans ce métier

Plusieurs choix s’offraient au gouvernement : soit créer un véritable service public assumant ces aides à la personne (solidarité nationale), soit encourager les systèmes d’échange locaux délivrés du dictat du Marché (solidarité locale), soit livrer ce secteur des services aux entreprises privées et à la spéculation. Il a bien évidemment opté pour cette dernière solution – solution de facilité et tellement plus avantageuse pour la bourgeoisie financière, sans compter qu’elle ne fait rien pour endiguer le travail clandestin.

Le développement des services à la personne est donc une arme supplémentaire dont se dote le capitalisme pour poursuivre dans tous les domaines de l’existence sa besogne injuste et spoliatrice.

Une piste pour rendre service aux personnes !

Services à la personne
envoyé par rosaluxembourg

* Créé dans le cadre de la politique conduite pour favoriser les services à la personne (plan de développement des services à la personne - loi n° 2005-841 du 26/07/2005), le Chèque emploi service universel est en vigueur au 1er janvier 2006. Le CESU succède au chèque emploi-service (CES), créé en 1994 pour rémunérer femme de ménage, garde d'enfants, auxiliaire de vie pour personnes âgées, garde-malade de jour ou de nuit (à l'exclusion de soins). Son usage est étendu au jardinage, au bricolage, au soutien scolaire, à l'assistance informatique et à Internet à domicile, ainsi qu'à divers services pour les personnes âgées dépendantes et handicapées (comme les promenades d'animaux domestiques, le transport, les soins esthétiques à domicile, l'interprétation en langue des signes...).

** Le plan de développement des services à la personne a été engagé officiellement avec la loi du 26 juillet 2005 à l’initiative de Jean Louis BORLOO.

Si vous voulez voir la bourgeoisie faire son marché aux domestiques, cliquez sur le lien ci-dessous :

Service au capitalisme








2 commentaires:

  1. Pile dans le mille!

    Ajoute à ça la propagande pour les métiers sous-payés du larbinat de l'hôtellerie-restauration : reportage, télé réalité, docu fiction etc..
    Que de jolies histoires avec l'élite du larbinat sous les projecteurs.
    Alors que c'est sans doute, avec le BTP, un des secteur les plus dérèglementé et violent pour les salariés (sans parler de l'armée auxiliaire de clandés, reléguée au fond des cuisines)

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  2. N'ayant que des notions basiques du capitalisme, je ne dirais rien de constructif. Bravo pour cette analyse.

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