5 décembre 2007

Il est interdit de ne pas interdire

Je sais bien que le recours à l'interdiction comme solution de facilité aux problèmes est devenu systématique pour ne pas dire pathologique. Il y a quelques semaines (c'est-à-dire une éternité sur l'axe du temps médiatique), suite à de tragiques accidents (1), nos gouvernants ont évoqué le projet d'interdire à la vente les chiens dits dangereux, de gazer ceux déjà en circulation et d'instaurer un permis pour la possession de tous les autres. On aura remarqué le caractère pervers de cette entreprise tendant à associer la dangerosité à tel type de race (race de chiens ici évidemment... ). Bref, quitte à mettre sur pied une entreprise d'éradication du Mal, les nettoyeurs professionnels du réel devraient aller directement au but : éradiquer tout objet et tout être vivant potentiellement dangereux et représentant de possibles sources de nuisances. Simplement, nos gouvernants font des choix en fonction de leur intérêt du moment et des populations concernées par ces interdictions. De plus, certaines d'entre elles restent à l'état d'annonce alors que d'autres sont effectivement mises en pratique.
Le schéma est simple : un drame se produit, ils (nos gouvernants) annoncent qu'ils vont prendre des mesures d'interdiction, la plupart du temps ça coûte trop cher à mettre en place ou ça rapporte rien (même idéologiquement) et la promesse médiatiquement professée vaut la réalité. Dans ce cas, ils ne font rien. Lorsqu'en revanche ils font quelque chose, projet de loi, décret, il faut bien admettre que ce sont très souvent des interdictions qu'il est possible de transgresser grâce à son porte-monnaie (ou quand on est pauvre en faisant un séjour au commissariat avec parfois un TIG à la clé) : interdiction de rouler vite mais possibilité de le faire, interdiction de fumer dans les lieux publics mais possiblité de le faire, interdiction d'utiliser des minimotos sur la voie publique mais possiblité de le faire, interdiction de rouler sans casque mais possibilité de le faire, interdiction de vendre de l'alcool après 22h mais possiblité de le faire). La plupart du temps ces interdictions portent sur le comportement des individus ou règlementent l'usage de tel ou tel objet. Rarement ce sont des interdictions catégoriques et incontournables. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement sinon par l'éradication du réel tout entier que j'évoquais plus haut. Or, tout bien réfléchi il existe une interdiction avec laquelle tout le monde serait gagnant (et donc pas seulement l'Etat) : l'interdiction à la vente de tas d'objets à la cons qui sont, quelque usage qu'on en fasse, de véritables nuisances pour la collectivité et pour le porte-monnaie du citoyen (2). Là où certaines interdictions confinent à l'atteinte à la liberté individuelle, celles-ci ne seraient que des atteintes à la liberté d'acheter tout et n'importe quoi. Autant dire de sains préjucides grâce auxquels tout le monde, individu et collectivité, est gagnant (tout le monde sauf évidemment le compte en banque des gros fabricants de ces objets à la con (3)).A l'autre bout de la chaîne, il y a recrudescence des rachats de crédits, de crédits illimitées à l'obtention facilité, bref de tout un arsenal qui pille le budget des ménages et qui en les aliénant à vie porte gravement atteinte à leur liberté. Pourquoi n'y aurait-il pas intervention étatique pour freiner la délirante production d'objets même pas inutiles (car à la rigueur certains peuvent leur trouver une utilité et c'est leur droit ) mais tout simplement nuisibles à la collectivité et au portefeuille des ménages.
Avec ce genre de mesure, on sort de l'hypocrisie qui consiste à interdire tel usage de tel objet mais de continuer à le vendre. A l'instar du développement durable qui veut continuer de produire plus sans endommager encore plus la planète, nous avons affaire ici à une sorte de production durable de merdes inutiles et dangereuses qu'on voudrait inoffensives pour la collectivité et la société. La seule solution honnête et efficace est donc leur interdiction à la vente. Et lorsque un drame se présente, nos gouvernants bien rompus à l'exercice, devraient saisir cette occasion pour le faire. On se rappellera qu'ils sont beaucoup moins hésitants lorsqu'il s'agit, sous couvert d'hygiène, d'interdire la vente à la ferme de tas de produits pourtant parfaitement sains.


Rare ! véritable objet invisible fin XVIIème

(1) accidents qui ont lieu à longueur d'année et qui de temps à autre, lorsque c'est utile, sont mis à la une de l'actualité.
(2) Et c'est là bien entendu que l'affaire de l'interdiction de la vente de chiens est absurde : car un chien n'est pas un produit manufacturé et à fortiori pas un objet dangereux. On peut d'ailleurs se demander si la transformation du chien en produit de consommation (maintenant achetable sur Internet) est étrangère ou pas à l'éventuelle augmentation statistique de la dangerosité de certains chiens. Cette chosification de l'animal mériterait une étude.
(3) Cette mesure peut par la même occasion pousser les industriels à faire des objets plus utiles et moins nuisibles que les multitudes de merdes qu'ils nous pondent chaque année).
(4) Outre les minimotos que j'évoquais dans un précédent post et dont la suggestion de leur interdiction m'a valu la désapprobation d'un de mes collègues, je donne ici quelques objets en vrac (en fait ils sont pas légion) dont la vente pourrait être interdite sans que ce soit un drame pour la liberté individuelle ni une atteinte à l'épanouissement et à l'émancipation des individus :
les énormes bagnoles qui polluent, les quads qui servent à rien, les cigarettes-bonbons pour mineurs, les jeux vidéos très violents, les "maisons" roses et bleues qui polluent les villages, les plages et les îles (qui deviennent privées), les véhicules inutilement rapides, les jeux d’argent à gratter...

6 commentaires:

  1. Bon sujet, bien vu. Il est évident qu'un esprit pragmatique te dira vite fait qu'on ne peut pas interdire la fabrication de toutes ces merdes parce qu'on est dans une-économie-mondialisée et-que-la-France-c'est-tout-petit etc. A quoi on répondrait que "dans un monde idéal", tout individu normal trouverait évident que les maisons bouygues façon lotissements aux volets bleus soient interdites, et leurs promoteurs immédiatement pendus à un arbre. Tu as bien vu aussi que les interdictions sont souvent perverses, comme l'interdiction de rouler à plus de 130KM/h dans un pays où l'on peut acheter des bagnoles qui tapent le 250. tout ça n'est pas net.
    Moi, ce qui me gêne dans la montée en puissance des interdictions,(et surtout dans leur présence permanente dans le discours public, truc assez révélateur)c'est qu'on glisse sur la pente du puritanisme au nom du bien, de la bonne santé, de la sûreté, de la préservation, etc. Les puritains se présentent d'ailleurs toujours comme les portes étendards du bien. On a interdit la vente d'alcool aux USA au nom de la morale et de la santé publique. Il y avait du vrai dans le discours puritain, comme il y a du vrai aujourd'hui dans celui qui prétend que fumer te farcit les éponges de goudron et que mettre un casque en vélo te protège en cas de chute sur la tête. Le hic, ça sera quand on exigera la précaution dans tout, quand on interdira le cunilingus parce que c'est pas hygiénique, qu'on liquidera les fromages au lait cru parce qu'il y plein de bébêtes dedans, qu'on exigera qu'on incinère les morts pour le bien de la couche d'ozone (argument qui commence à poindre dans les médias, soyez attentifs).
    Maintenant, interdire les jeux de grattage et l'horloge de table en plastique, à l'effigie d'Elvis Presley en moto, qui joue Love me tendre chaque heure (12,5 euros chez Gifi, piles comprises), je signe tout de suite, et je dis VIve le puritanisme !

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  2. ... et j'oubliais : interdire la fabrication, la vente et l'exhibition des pantacourts !

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  3. Zéfa, est ce que tu aimes quand Beboper se frotte à ton pantalon ?

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  4. tu comptes nous la refourguer combien de fois ta vanne ano ? Au début c'était drôle, au bout de la quinzième fois je commence à avoir pitié pour toi.

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  5. faut dire que t'en connais un rayon en matière d'humour à répétition. entre initiés nous sommes, mes frères !

    va zefa, je ne te hais point...

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  6. ah bon ?

    (pardonnez-lui il ne sait pas ce qu'il fait)

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