30 décembre 2006

L’Africain du Tsar


Fils de prince africain, enlevé comme esclave par les turcs, racheté puis adopté par le tsar Pierre le Grand, la vie d’Abraham Petrovitch Hannibal est un véritable roman. Devenu le plus grand officier ingénieur de toute la Russie il laissera à son pays d’adoption ses meilleurs places fortifiées et son plus grand poète.


Lorsqu’il naît à Logone, au nord de l’actuel Cameroun à la fin du 17ème siècle, celui que l’on connaîtra plus tard sous le nom d’Abraham Hannibal est le fils d’un roi africain.
Capturé à l’âge de huit ans par des négriers turcs, le jeune garçon va être emmené à Constantinople où on le convertira de force à l’Islam sous le nom d’Ibrahim avant de le placer au service du palais du Sultan Ahmed III.


Abraham Hannibal en costume oriental

Il n’allait rester qu’une année en servitude car à l’autre bout du monde, un souverain allait l’utiliser comme cobaye en vue d’une expérience. Si l’on donnait une éducation occidentale à un nègre, pouvait-il s’élever, comme quiconque et quitter sa nature de sauvage comme un papillon quitte sa chrysalide ? Telle était la question que se posait le Tsar Russe Pierre 1er et ce fut Ibrahim qui eut la chance d’être choisi pour en faire la démonstration.


Pierre 1er de Russie

Repéré par l’ambassadeur après de la sublime porte Golovine, le garçon fut acheté secrètement par un négociant et expédié en Russie où il changea encore une fois de religion. Baptisé, le 13 juillet 1705 à Vilnius selon le rite chrétien orthodoxe sous le nom d’Abraham Pietrovitch , le jeune nègre avait rien de moins que le Tsar pour parrain et la reine de Pologne pour marraine.

L’empire était alors en pleine guerre contre la Suède de Charles XII et quatre ans plus tard, le jeune Abraham participait comme tambour au régiment Préobrajenski à la bataille de Poltava le 27 juin 1709. Cette victoire russe allait mettre la Russie à la place de la Suède comme le premier pays de l’Europe du Nord. Recevant la même éducation que les enfants de Pierre le grand, Abraham montra très tôt de véritables dons pour le dessin et les mathématiques.


Bataille de Poltava

Après avoir été l’officier d’ordonnance du Tsar, Abraham partira pour la France où il intégrera l’école d’artillerie de La Fère pour y étudier le génie militaire et les fortifications. Après s’être battu et avoir été gravement blessé au côté des Français contre les Espagnols en 1716, il finira sa formation à l’école d’artillerie de Metz.
Il quitta la France à contre cœur et ne revint en Russie qu’en 1725 avec le grade de capitaine du génie pour y devenir très vite le spécialiste russe des fortifications à la Vauban.

Hélas pour lui, le tsar allait mourir deux ans après son retour et après divers intrigues de cours, le jeune officier (on pense qu’il est né en 1696) se voyait exilé aux frontières de la Chine. En 1730, la fille de Pierre le Grand, Anna Ivanovna, monte sur le trône et rappelle à elle son frère noir. Il retrouve alors son poste de capitaine du génie ainsi que ses privilèges.



Cette même année, il épouse Eudoxie, la fille d’un capitaine grec. Il ne tardera pas à le regretter. Sa femme est infidèle et lorsqu’elle accouche, en 1731, d’une fille complètement blanche, Abraham devient la risée de tout le pays.
Blessé, il reconnaît l’enfant qui n’est pas de lui et se retire du métier des armes pour devenir métayer près de Tallinn.

C’est là, après s’être séparé de son infidèle épouse, qu’il rencontrera une famille suédoise, les Schoeberg, et leur fille Christine Régine, qu’il épousera bientôt en seconde noce en 1735. C’est cette même année qu’il ajoute Hannibal à son nom, en hommage au général carthaginois. Il va reprendre sa carrière militaire et recevoir promotions sur promotions. En 1742 il est nommé général en chef, commandant de la place de Ravel et fait son entré à la Chambre. En 1746, la nouvelle impératrice, Elisabeth Petrovna, lui donne le village de Mikhailovskoye et le grade de lieutenant-colonel. En 1752 il devient le général en chef de tout les corps de génie militaire russe.


Abraham, blanchi pour ce portrait

Les fortifications qu’il édifiera le long de la Baltique furent si bien conçues qu’elles servirent encore durant la deuxième guerre mondiale contre l’invasion allemande. On peut toujours les admirer de nos jours.
Il finira par prendre sa retraite en 1762 et se retira près de Saint-Pétersbourg. Il passa dix-neuf paisibles années à s’occuper de ses onze enfants et de leur descendance avant de mourir dans son lit en 1781. L’un de ses arrière-petits fils, né en 1799, s’appellera Alexandre Pushkin.

3 commentaires:

  1. Mezrci Atlantis pour cette bio intéressante. Quand tu dis "Les fortifications qu’il édifiera le long de la Baltique furent si bien conçues qu’elles servirent encore durant la deuxième guerre mondiale contre l’invasion allemande.", à quelles forteresses penses-tu ?

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  2. Pour les fortifications dont Atlantis parle, il doit s'agir de l'Estonie.
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  3. C'est en effet en Estonie qu'il édifia ses plus belles forteresses.

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