5 octobre 2006

Indigestes !


On n’a pas vu le film Indigènes parce que les salles de ciné sont un outil concentrationnaire et nous on se concentre jamais : c’est contre notre religion et surtout nos capacités.






On ne critiquera donc pas le film qui au demeurant est certainement très regardable malgré la présence à l’écran d’un tirailleur manchot… Cela dit, tout est désormais possible au cinéma avec les effets spéciaux… On n’évoquera que très rapidement le problème de la révision par le grand Jacques du montant des pensions destinées aux tirailleurs de la Coloniale.

Chirac parle avec un historien



Nous dirons tout de même que :
_ d’une : le contexte était celui d’un empire colonial par nature discriminatoire, que notre chère administration vichyste avait certainement pensé à ajuster les pensions selon les niveaux de vie en métropole et dans les colonies (sans se préoccuper de laisser crever comme des chiens les tirailleurs restés sur notre territoire constituant ainsi une discrimination elle, inadmissible, honteuse) donc le réinvestissement émotionnel de l’histoire est à prendre avec des pincettes.
_ de deux : la révision arrive alors que les pauvres vieux sont pour les plus jeunes âgés de 80 ans, ce qui réduit cette mesure à un symbole abominable. Nous irons jusqu’à dire que la révision devrait carrément être rétroactive et concerner les ayant droit des tirailleurs pour la raison que leurs vies à eux eussent été peut être différentes… Dans ce cas de figure, la révision paraîtrait acceptable. Mais il est vrai que leur accorder gain de cause ce cette manière étriquée et au crépuscule de leurs vies représente une mesure hautement économique…

Medal of Honnor



_ de trois : il est absolument fascinant de voir qu’un problème qui a fait l’objet de moult reportages télévisés ait été ignoré jusqu’au Djamel Comedy Show...

Indigènes : le scoop!



_ de quatre : à quoi rime ce soudain bran le bas de combat médiatique ?

Le ciné serait il au final un média plus puissant que le journalisme ?

La question est posée et au final fort intéressante. Disons que la réponse en dit long sur notre société des divertissements…
Le journalisme a priori est objectif, « aiguisé comme une lame, pointu comme un couteau, chauffé comme une flamme et puissant comme un fusil d’assaut »… Le ciné n’étant pas un reportage, il a plus à voir par nature avec la subjectivité inhérente à la fiction. Celle de l’auteur, démultipliée à travers les différents regards de ses personnages, celle du réalisateur réinvestissant le scénario, celles des acteurs enfin, investissant eux les limites fixées par physique, jeu, auteur et réal. Mais là ne se situe pas le réel hiatus entre les deux types de média. Le reportage est également une affaire de regards. Les deux peuvent générer un investissement émotionnel, une identification. Tout est certainement une question de spectacle spectaculaire, d’effets spéciaux, et là le cinéma devient puissant comme un char d’assaut…

L’émotion en scène, scénarisée. Les personnages auxquels on s’attache ou pas car peut-être plus manichéens et donc quelque part irréels car plus vrais que nature… Et l’esthétique maîtrisée, sublimée, effetsspécialisée...

Baudrillard « Simulacres et simulations » à propos d’Apocalypse Now de Coppola : « La guerre s’abolit dans le test technologique, et pour les Américains elle fut d’abord cela : un banc d’essai, un gigantesque terrain où tester leurs armes, leurs méthodes, leur puissance. Coppola ne fait rien d’autre : tester la puissance d’intervention du cinéma, tester l’impact d’un cinéma devenu machinerie démesurée d’effets spéciaux. Dans ce sens, son film est bien quand même la prolongation de la guerre par d’autres moyens, l’achèvement de cette guerre inachevée, et son apothéose. La guerre s’est faite film, le film s’est fait guerre, les deux se rejoignent par leur effusion commune dans la technique. (…) Si les américains ont perdu l’autre (en apparence), ils ont à coup sûr gagné celle-ci. Apocalypse Now est une victoire mondiale. Puissance cinématographique égale et supérieure à celle des machines industrielles et militaires, égale ou supérieure à celle du Pentagone et de ses gouvernements. (…) Le film est une phase de cette guerre sans dénouement. (…) Il faut saisir l’indistinction de la réversibilité de la destruction et de la production, de l’immanence d’une chose dans sa révolution même, du métabolisme organique de toutes les technologies, du tapis de bombes à la pellicule filmique… »

Kurtz toujours l'Histoire : je serai toujours là pour t'achever



De là à dire que la guerre du Viet Nam a eu lieu pour que soient tournés Apo Now, Hamburger Hill, Platoon, il n’y a qu’un pas, un tout petit pas. Et désormais, nous le dirons sans ambages : là sera la finalité finale de toutes les guerres, passées et futures (Glory, Il Buono, il Brutto, il Cattivo, Saving Private Ryan, Black Hawk Down, Jarehead, Joyeux Noël, Indigènes)…

Les Guignols ironisaient hier sur Chirac disant qu’il ne ferait rien pour les sans papiers de Cachan car il n’avait pas vu le film. La caricature semble désespérément pertinente sur ce coup-là et mettre en exergue cette puissance incroyable du ciné, ce choc des images construites, léchées et assemblées sans hasard.
Ah ces bons vieux films de Debord avec ses écrans noirs et blancs d’une demi heure : in girum imus nocte et consumimur igni… Lui avait déjà isolé ce fait en le détournant.

A ce titre, il est fortement déplorable que l’Education Nationale multiplie les sorties « pédagogiques » au ciné pour aller voir ce film sous prétexte d’intérêt historique, poussée qu’elle l’est par les JT, les talk-show qui nous font à tous la leçon d’histoire : reductio ad focus et lobotomisation.

Bonnes consciences en smoking



Le film n’est probablement pas si polémique. Mettons qu’il met un coup de projecteur sur un fait historique. Nos médias pornographes, eux, vont et voient plus loin et les acteurs du film, pantins pipoles avec : « la France ceci, la France cela. » Et on laisse à JiM le borgne le soin de balancer quelques statistiques, racistes par voie de conséquence… Et pas un mot sur les divisions SS Handschar, Kama et Skanderberg ?… Allons, allons, nous sommes border line rapport au sujet. Focal time.

Tiens tiens : souci du "détail" des collectionneurs de soldats de plomb ?



« Un pays se grandit en reconnaissant ses erreurs » comme a dit le grand Jacques à propos de la Turquie ?

"Je m'excuse bien au nom de la France mais je suis venu pour tout faire péter vos eaux au nucléaire"



Non, un pays se grandira enfin quand il appliquera le principe pénal de la personnalisation des peines à ses dirigeants d’alors en ne le faisant pas rejaillir sur une abstraction qui plus est éternelle. Là est la perversion : hérédité des crimes. Là se niche communautarismes et racismes. Vieille rengaine de la rancune… Mais « le simulacre n’est jamais ce qui cache la vérité. C’est la vérité qui cache qu’il n’y en a pas. Le simulacre est vrai » (L’ecclésiaste). Vivement le napalm sur les élites politiques, artistiques et médiatiques. Au CiGéBi, on en tournera le film pour tout récupérer à notre sauce…

medias libres

4 commentaires:

  1. " Et pas un mot sur les divisions SS Handschar, Kama et Skanderberg ?"

    je suis d'accord sur le contenu sauf pour cette phrase.
    Les 3 divisions étaient composées de soldats provenant d' où exactement ?

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  2. Des bons films de guerre historique il y en a vraiment très très peu. Mais j'irais quand même le voir Indigènes. Etant fils de pieds noirs cela me concerne un peu quand même. De plus, le frère de ma grand-tante (son père était algérien) avait un frère médecin officier qui a fait la première guerre mondiale en Arabie et qui fut décoré de la légion d'honneur. Mais c'est sur que Jamel est une triste caution au sujet. Enfin, il parait que sans sa notoriété le film de se serait jamais monté.

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  3. Je voulais dire le frère de ma grand tante était médecin militaire.

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  4. Bijour bijour,

    contrairement à ce qu'on dit sur notre site, on l'a vu cette toile, enfin moi oui...
    Bonne surprise c'est beaucoup moins larmoyant que prévu et pas trop politiquement correct. Un honnête film de guerre on va dire ,même si çà vaut pas Black Hawk down que vous citez (sinon Jarhead çà vaut quoi ?).
    Je tique sur :
    - Djamel, tirailleur manchot, donc réformable...
    - la dernière demi heure qui est un pastiche de saving private ryan justement
    - Nacéri complètement hystérique
    j'ai bien aimé en revanche 2 acteurs vraiment superbes : Roschdy Zem, comme d'habitude excellent et toujours sous-côté et Bernard lugan très bon en sergent pied noir

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